Le discours prononcé hier dans le cadre du Sommet international des coopératives 2014 par Robert J. Shiller, professeur à Yale et prix Nobel d’économie, présente la coopération (financière) comme un moyen de civiliser le capitalisme. Cette vision n’a pas manqué de faire réagir une partie de l’auditoire.

C’est devant un auditoire de plus de 2000 personnes que M. Shiller est venu parler d’économie et de coopération. Pendant un peu plus d’une demi-heure, il a étayé sa vision de l’économie et des coopératives: «une des tendances qui se dessine, c’est la démocratisation des finances», tout comme «la bourse publique a démocratisé la finance», a-t-il affirmé.

«Il est important de faire des expériences avec de nouvelles formes d’entreprises, a expliqué le chercheur. D’autres formes d’institutions peuvent apparaître dans l’avenir». Ce qui guide les actions des humains est selon lui «le principe de réciprocité. Ne faites pas à autrui ce que vous ne voudriez pas que l’on vous fasse», illustra-t-il.

Réfutant l’idée que les coopératives sont plus résistantes aux crises, il a expliqué que «nous avons un système qui encourage les meilleures initiatives. Ce qui s’est produit dans la crise financière, c’est que les gens voulaient ralentir, mais ils ne pouvaient pas, comme une voiture en marche qui ne peut reculer s’il n’y a pas de conducteur».

Ce discours a fait réagir l’auditoire, notamment une participante qui s’est exprimée sur le mot-clic #SICOOP14, où le public était invité à poser des questions à l’invité.

On est dans le modèle néolibéral

C’est un tout autre son de cloche qu’a donné Anne-Laure Desgris, co-directrice de la coopérative Oxalis, arrivée de France pour participer au Sommet. Elle n’en revient tout simplement pas de ce qu’elle a entendu. «Là où je suis venue chercher de la coopération et de la différenciation, un modèle qui pourra prendre le relais après la chute du capitalisme (même si cela peut faire rire), je m’aperçois que l’on est justement dans le modèle néolibéral.» Sa coopérative explique dans un billet de blog ce conflit de valeurs.

Est-ce qu’elle se reconnaît dans ce discours? «Il est hétéro-normé, dominant, blanc, masculin… non, bien sûr que je ne peux pas me reconnaître là-dedans. Alors que l’on ouvrait le Sommet devant plus de 90 nations, le lendemain, on a autour de la table principale des hommes du même âge qui représentent une forme économique qui n’est pas la mienne. Je veux passer mon énergie à rassembler autre chose et autrement.»

D’après Mme Desgris, «la finance est un moyen, ce n’est évidemment pas la fin, sinon cela s’appelle le modèle libéral, point! Et il n’y a pas de problème, c’est le modèle dominant et ils ont encore un peu d’avenir devant eux. En ce qui me concerne, si je dois avoir un groupement financier, c’est dans un but de transformation sociale, pas une fin en soi – cela se nomme le capitalisme. La coopération, ce doit être en lien avec un projet politique de personnes, de regroupements de personnes. La coopérative ne protège pas des dérives de la finance et des jeux de pouvoir, ce n’est un meilleur modèle, salvateur, que s’il est au service d’une cause politique au sens noble du terme».