Le projet de construction de l’oléoduc de TransCanada, Énergie-Est, suscite de plus en plus un malaise auprès de la population. Plusieurs groupes s’organisent afin de mieux s’informer et se mobiliser contre le projet, dont le Mouvement Stop-Oléoduc. Dans le cadre de la Journée nationale pour le climat, le 16 novembre dernier, la mobilisation a touché environ 130 villes (avec le mouvement des Premières Nations Idle No More) pour ériger un mur symbolique contre le projet de TransCanada. Le tracé n’est pas encore confirmé, mais l’oléoduc passerait par Montréal, Trois-Rivières et Québec, pour se rendre jusqu’au Nouveau-Brunswick.

Parmi les citoyens mobilisés, deux propriétaires, Guillaume Lord et Denis Allaire, respectivement de Saint-Jean-Chrysostome et de Saint-Raphaël-de-Bellechasse, rencontrés au rassemblement du Mouvement Stop-Oléoduc à Québec, déclarent que les propriétaires comme eux sont isolés et manquent d’information. M. Lord a lui-même refusé la compensation de 1000$ proposée par TransCanada pour faire des prélèvements dans le sous-sol de son érablière. «Avec le pipeline d’Ultramar qui passe déjà ici, ça ferait le deuxième qui passerait dans nos terres», déclare M. Lord. Quant à Denis Allaire, il estime que les compensations financières proposées ne sont pas significatives compte tenu de la valeur économique  du projet.

Conventionnel ou non conventionnel?
Lors d’une entrevue téléphonique, le porte-parole de TransCanada au Québec, Philippe Cannon, a expliqué : «le pétrole qui passera par l’oléoduc sera conventionnel car aucun des trois raffineurs avec qui nous faisons affaire ne sait transformer le pétrole des sables bitumineux». M. Cannon n’a pu affirmer si le projet serait réalisé dans les prochaines années, ni se prononcer sur la durée de vie du pipeline: «C’est un projet qui a une durée de vie indéterminée», a-t-il expliqué.
Steven Guilbeault, directeur principal d’Équiterre, en tournée d’information sur le projet, affirme que «quand on regarde le tracé de l’oléoduc, on voit qu’il débute en Alberta. C’est d’ailleurs ce que TransCanada nous a dit lors de notre rencontre».  Il a ensuite confirmé que «la plupart des raffineries québécoises ne sont en effet pas équipées pour raffiner le pétrole albertain».
Train et pipeline
Dr Rosa Galvez, ingénieure en environnement présente lors de la tournée d’information avec Équiterre, soutient que l’accident de Lac-Mégantic a donné l’opportunité à l’industrie de présenter l’avantage du transport par oléoduc par rapport au train. Selon elle, il s’agit d’un faux dilemme, car «les pipelines impliquent des déversements trois fois plus nombreux que les trains et le volume des déversements est plus grand qu’avec ces derniers».
M. Cannon, de TransCanada, a expliqué que «90% des fuites [d’oléoducs] font moins de 20 litres et que la plupart des incidents rapportés aux autorités ont eu lieu dans des stations de pompage qui sont étanches. Les stations de pompage sont imperméabilisées pour les déversements». L’entreprise stipule d’ailleurs  qu’entre «2002 et 2011, les oléoducs au Canada ont maintenu un dossier de sécurité de 99,9994 %, alors qu’on dénombre environ 25 fois plus d’accidents sur les voies ferrées».

Toujours selon M. Cannon, il est toutefois difficile d’évaluer le temps et la procédure pour réparer un accident dans une réserve naturelle comme celle de Gros Cacouna dans le Kamouraska. Le site web de l’entreprise mentionne qu’«en cas d’incident pipelinier, les sociétés pipelinières sont responsables à 100% du nettoyage du déversement et doivent, dans la mesure du possible, s’efforcer de remettre les terres touchées dans l’état où elles étaient avant le déversement».

Mme Galvez y met un bémol: la question est de savoir comment évaluer la «mesure du possible». «Certaines technologies permettant de réparer des dégâts impliquent des coûts importants qu’une municipalité ou une entreprise peuvent difficilement assumer seules. De plus, certaines conséquences environnementales sont irréparables».

«Le mouvement contre les gaz de schiste a prouvé que les citoyens sont prêts à se mobiliser et une fois de plus, nous pouvons dire non» affirme Mme Anne-Céline Guyon, porte-parole de Stop-Oléoduc Portneuf/Saint-Augustin.
Photo: Marie-Christine Aubin

Port pétrolier à Gros Cacouna
TransCanada projette de faire construire un terminal près de l’unique réserve maritime québécoise de Gros Cacouna en vue d’accueillir des pétroliers de type Post-Panamax. Un projet de port méthanier de TransCanada à Cacouna avait été autorisé en 1981 par le Bureau d’audiences publiques sur l’environnemnt (BAPE), puis en 2007, suite à un rapport de Pêches et Océans Canada qui recommandait certaines mesures pour protéger les mammifères marins.
Les conséquences de la construction et de l’activité d’un terminal pétrolier seraient désastreuses pour la population de bélugas qui met bas dans la réserve marine de Gros Cacouna de la mi-juin à la mi-septembre. On mentionnait dans le rapport de 2007 sur le port méthanier que l’espèce est classée parmi les mammifères marins en péril et le rétablissement de l’espèce est difficile notamment à cause de «la diminution de son habitat dans l’écosystème du Saint-Laurent ainsi que de la détérioration de sa qualité».
Le rapport de 2007 sur le port méthanier stipule que «l’augmentation du bruit est susceptible d’interférer de manière déterminante avec les activités des bélugas […] On mentionne également que l’habitat qui pourrait être perdu ne pourra être remplacé.». Un citoyen de la région, Samuel Bergeron, fait actuellement circuler une pétition Avaaz adressée à la mairesse de Cacouna.
Questionné sur la façon de garantir la sécurité à long terme des communautés et des espèces animales vivant le long du passage de l’oléoduc sur plus de 30 ans, le ministère de l’Environnement du Québec n’a fourni aucune réponse à Ensemble.
Motion de l’Assemblée nationale
Au moment de mettre sous presse, l’Assemblée nationale du Québec adoptait une motion qui «exprime sa plus vive inquiétude face au projet de TransCanada de construire un terminal pétrolier à Cacouna et aux impacts que ce projet pourrait avoir sur l’habitat du béluga dont la population est en déclin». Cette motion a été proposée par Amir Khadir, député de Mercier (Québec Solidaire).
Cet article a été écrit en collaboration avec David-Maxime Samson
Erratum: cet article a été modifié depuis sa mise en ligne: Un citoyen de la région, Samuel Bergeron, fait actuellement circuler une pétition Avaaz adressée à la mairesse de Cacouna. Cette phrase a remplacé: La mairesse de Cacouna fait actuellement circuler une pétition Avaaz pour «sauver les bélugas».