Une cinquantaine de membres du Mouvement Démocratie Nouvelle (MDN) ont assisté le 15 février dernier au procès ludique du mode d’élection uninominal à un tour, accusé de trahison envers la démocratie.

Au fond du pub à scotch de l’Île Noire à Montréal, ils étaient une cinquantaine de jurés prêts à condamner le mode d’élection uninominal à un tour. Alors que l’avocate de la défense livrait ses arguments incongrus, le procureur revenait à charge, poussé par l’opinion d’une audience convaincue d’avance. Le 15 février dernier, le système électoral canadien a été accusé et condamné aux abîmes pour trahison envers la démocratie, falsification des résultats électoraux et bris de l’exercice démocratique. Malgré un verdict unanime, la défense a signalé qu’elle portera la cause en appel.

«Il faut protéger les institutions qui soutiennent le mode de scrutin, a déclaré celle qui jouait le rôle de l’avocate de la défense, Lorraine Guay. Qu’est-ce qu’on a à bouger des choses qui nous ont supportés pendant des siècles?» Selon elle, il y a quelque chose de pervers dans ce désir de vouloir tout changer tout le temps.

Mais d’autres s’entendaient pour dire que René Lévesque avait raison. «Notre démocratie est infecte», s’est exclamé le procureur pour l’événement, Jean-Pierre Charbonneau. Il a d’ailleurs demandé à l’audience si elle trouvait normal qu’en 2007, Québec Solidaire ait récolté un tiers de millions de votes, mais n’ait fait élire aucun député.

Le mode de scrutin actuel a d’abord été accusé de comploter dans le but d’empêcher l’expression du pluralisme politique. «C’est le fondement même de la démocratie représentative! Il faut avoir à l’esprit la valeur des mots et du sens de la démocratie, de la représentativité et de l’équité, a rappelé le procureur. Il y a des gens qui attendent dans le portique qui devraient être dans la chambre depuis longtemps!»

«Je suis satisfait du verdict, mais je ne suis pas naïf. Nous avons fait l’exercice avec des gens convaincus, j’aurais aimé faire de même avec des députés actuels, pour leur brasser un peu plus la cage», confesse Jean-Pierre Charbonneau, commentateur politique affiné. Depuis des lunes au Québec et au Canada, les partis politiques ont pro-
mis un changement du mode de scrutin, mais personne ne s’engage réellement à le faire. «C’est décourageant, parce qu’on tourne en rond, déplore cet ancien président de l’Assemblée nationale. On n’arrive pas à trouver l’impulsion pour changer le mode de scrutin, car c’est ce mode qui porte les partis au pouvoir.»

Le mode de scrutin n’a pas été retouché depuis plus de cent ans. Selon le MDN, 85% des gens s’entendent pour dire qu’il a besoin d’être scruté. «C’est leur gros bon sens qui le leur dit ! Les gens n’ont pas besoin d’un cours de sciences politiques pour comprendre ça», a commenté Jean-Pierre Charbonneau. Selon lui, il est important de continuer à faire avancer la cause dans l’opinion publique pour qu’elle prenne sa place sur l’échiquier politique. «Mais, le MDN a peu de moyens pour raviver seul les braises restantes de ce feu pas mal éteint. Nous organisons des activités entre gens convaincus, explique-t-il. Cela fait en sorte que les militants sont plus aguerris, c’est tout. Mais, quand le bon moment arrivera, on espère que quelqu’un soufflera sur cette braise-là!»