Dans sa préface du livre Sens et pertinence de la coopération: Un défi d’éducation, dont le lancement avait lieu hier midi lors du Forum coopératif et mutualiste 2012, Thomas De Koninck rappelle l’importance de l’enseignement du modèle coopératif: «Les auteurs voient juste en rappelant que la finalité fondamentale de l’éducation ne peut être que le développement intégral de l’être humain. Or, l’éducation à la coopération, qui est leur thème principal, redonne à l’être humain sa place centrale.» Le problème, c’est que la compréhension et l’enseignement de ce modèle ne vont pas de soi.

«Malheureusement, quand on associe le mot entrepreneuriat, on l’associe à des individus qui ont créé des entreprises dont la notoriété est très grande. Mais on ne parle pas de la plus grande richesse qu’on a: l’entrepreneuriat collectif», a déploré le président de la Centrale des syndicats démocratiques, François Vaudreuil, lors de sa conférence. «Quand on dit qu’une coopérative est fille de la nécessité, vous voyez bien les préjugés qu’on entretient à l’égard des coopératives. Quand est-ce qu’on a vu un gouvernement exprimer une volonté de faire la démonstration du potentiel de l’entrepreunariat collectif?» La reconnaissance du milieu par les instances gouvernementales constitue donc un enjeu d’envergure, selon lui: «Il faut absolument qu’on ait un appui du gouvernement, que ça s’inscrive dans les politiques publiques et que l’on cesse de considérer les coopératives comme des entreprises de deuxième et de troisième ordre.»

Une opinion partagée par Richard Lehoux, vice-président de la Fédération québécoise des municipalités (FQM), qui regrette le manque d’application de la Loi pour assurer l’occupation et la vitalité des territoires: «L’occupation dynamique du territoire nécessite une plus grande ouverture de la part des gouvernements. Il faudrait mettre en pratique la loi, procéder à une décentralisation. Pourquoi l’occupation du territoire? Le contexte bien ancré de la mondialisation redéfinit les règles du jeu et exige l’adoption d’une nouvelle approche. Les politiques mises en place selon la logique comptable du mur-à-mur n’ont fait qu’amplifier les fossés entre les régions et les grandes villes. Ainsi, le choix de l’occupation dynamique du territoire nécessite une plus grande ouverture de la part du gouvernement et une confiance envers les populations et les leaders locaux.»

Ce manque de compréhension et de prise en compte du modèle coopératif par les dirigeants politiques n’est cependant par étonnant lorsque l’on regarde la méconnaissance du mouvement par l’ensemble de la population québécoise. «En fait, précise Sidney Ribaux, coordonnateur général et cofondateur d’Équiterre, 70% de la population québécoise est membre d’une coopérative sans même le savoir.» Il lui apparaît donc essentiel que le mouvement coopératif apprenne à communiquer davantage: «On est victime d’un syndrome québécois qui est celui d’être trop humble.» Les coopératives ne se vantent pas suffisamment, selon lui, de leurs bons coups: «Sonic, par exemple, est une des entreprises coopératives dont on ne parle vraiment pas suffisamment. Pourtant, il s’agit d’un réseau, la distribution de l’énergie, où les entreprises ont hyper mauvaise réputation et plusieurs consommateurs qui portent les valeurs que l’on défend ici aimeraient bien mettre leurs dollars ailleurs que dans une compagnie pétrolière. Non seulement cette entreprise est une coopérative québécoise, mais elle a des projets de développement de biomasse et les gens ne le savent pas.»

Le milieu coopératif doit donc relever le défi de la reconnaissance et de l’enseignement du modèle coopératif auprès de la population en général, mais surtout auprès des jeunes. Un défi auquel s’appliquent déjà certaines coopératives, dont COSAJAT (Coopérative de solidarité d’animation des jeunes en Abitibi-Témiscamingue). Cette maison des jeunes, située à Rouyn-Noranda, s’est donné pour mission de sensibiliser et d’éduquer les jeunes en promouvant les valeurs coopératives. Grâce au développement d’activités et d’ateliers offerts aux adolescents, COSAJAT démontre l’importance d’une meilleure reconnaissance de ce modèle pour l’ensemble de la communauté. En agissant maintenant, par la formation qu’elle donne aux jeunes, elle prépare une plus grande compréhension par les générations futures des enjeux et principes coopératifs. Son action répond ainsi à cette responsabilité sociétale que rappelait Ricardo Petrella lors de sa conférence d’ouverture du Sommet international des coopératives 2012: «Une société incapable de définir son futur est une société déterminée par les autres.»