Pour une quatrième année consécutive, La Terre des Anciens procède à la récolte du chanvre industriel sur ses terres de Cap-Chat, dans la Baie des Capucins, en Gaspésie. Présidée par la femme d’affaires Denise Verreault, l’entreprise veut inciter les producteurs agricoles du Québec à expérimenter cette culture encore considérée comme un tabou. C’est dans ce cadre que la démonstration du 14 septembre a été organisée, permettant à des agriculteurs de la région et d’ailleurs au Québec de visiter les champs pour voir les plants en pleine maturité et de bénéficier de l’expertise de Marc Beaulieu, agronome au Groupe conseil agricole de la Côte-du-Sud et spécialiste de la culture du chanvre, ainsi que celle d’Olivier Lalonde, coordonnateur du Réseau des plantes bio-industrielles du Québec au Centre de recherche sur les grains (CÉROM).

«L’information s’est perdue au fil des temps», soutient Denise Verreault. La production de chanvre industriel a été interdite pendant un demi-siècle et la rareté de l’information a incité Mme Verreault à produire un guide pour les agriculteurs. Bannie en 1955 aux États-Unis et dans pratiquement le reste de la planète ensuite, la culture du chanvre industriel a été autorisée seulement en 1997 au Canada.

Un défi prometteur

Contrairement à l’espèce Cannabinus indica L. (connue sous le nom de marijuana) qui possède des effets psychotropes et qui est toujours illégale, le chanvre industriel (Cannabis sativa) peut être cultivé pour une foule d’utilisations. La culture de la graine sert à l’alimentation, et est notamment commercialisée par la Coop du Cap à Cap-au-Renard. La fibre permet de produire des matériaux variés et durables, allant des textiles au plastique, en passant par les panneaux d’isolation de maison, dont le marché est prometteur dans l’Est du Québec. «Il y a énormément de demande pour la graine de chanvre, parce que même aux États-Unis, il n’est pas encore permis d’en faire pousser, explique Mme Verreault. Par contre, ce sont de grands consommateurs, donc il y a plus de demande que d’offre présentement».

«Les défis sont quand même multiples», rappelle Marc Beaulieu. Les gens qui cultivent le chanvre industriel ont habituellement une bonne expérience en agriculture et s’attendent à pouvoir récolter la plante avec une moissonneuse-batteuse conventionnelle. Une partie de la présentation de l’agronome était donc orientée sur les changements à apporter à  la machinerie. Ces changements peuvent êtres mineurs, comme la protection des roulements et l’installation d’une faux Shumaker qui permet de mieux couper les tiges en-dessous des inflorescences.

Une plante qui a faim

S’exprimant sur les besoins particuliers de la plante, Olivier Lalonde insiste sur le fait que le chanvre est une plante qui a faim, et «qui nécessite de l’engrais», explique-t-il en faisant ressortir une des principales difficultés de la production agricole en Gaspésie. La production animalière étant pratiquement inexistante, l’approvisionnement en fumier est un problème et les coûts d’importation des autres régions sont considérables. Selon l’agronome, l’utilisation des résidus de crevettes serait peut-être une solution à ce problème, ceux-ci étant facilement disponibles dans la région. Cette solution a aussi été suggérée par certains agriculteurs lors de nombreux échanges avec les spécialistes pendant la journée.

L’entièreté de la production des 35 hectares de chanvre industriel de La Terre des Anciens est biologique. «Moi, ce que je veux, c’est du biologique, parce que mes valeurs, c’est le respect de la terre, des animaux et des humains», explique Denise Verreault. Malgré l’absence d’engrais, la récolte de l’année dernière a été de huit tonnes de grains sur huit hectares, un record pour cette jeune entreprise. Selon Mme Verreault, la réponse des agriculteurs est bonne: ils commencent à bien comprendre cette culture, certains ont commencé la production et de plus en plus d’appels sont faits à La Terre des Anciens pour demander de l’information.