La campagne électorale actuelle serait, si l’on en croit certains stratèges, la première campagne à véritablement investir les réseaux sociaux. À cet égard, les bourdes et échanges en ligne peu édifiants de différents candidats, voire de certains chefs de parti, peuvent laisser perplexe. Diverses initiatives citoyennes profitent cependant du Web pour mobiliser la population et la faire se réapproprier la politique.

C’est notamment le but des entreprises WeMakeCustom et Écotrip, qui ont mis beaucoup d’énergie dans la mise sur pied de la plateforme Propage ton vote! «Devant le faible taux de participation de la population en général et des jeunes en particulier, nous avons voulu mettre en place une plateforme qui inciterait les gens à aller voter», explique Philippe Dallaire, de WeMakeCustom.

Interpeller ses connaissances en vue du scrutin

Le principe est simple: les visiteurs commencent par indiquer soit pour quel parti ils voteront et/ou le ou les partis pour lesquels ils ne voteront pas (ce qui permet aussi la participation des indécis). Les visiteurs sont ensuite invités à propager leur vote, c’est-à-dire à inviter trois amis ou plus à visiter le site à leur tour. «On s’est basés sur le principe que, si une personne s’engage auprès de ses connaissances à aller voter, il y a beaucoup plus de chances qu’elle y aille effectivement. L’idée est de rendre cette participation virtuelle virale grâce aux réseaux sociaux afin qu’elle se traduise par une participation réelle le jour du scrutin», de préciser Philippe Dallaire.

En plus de cet effet d’entraînement, le site propagetonvote.org se propose, lorsque plus de 20000 visiteurs auront indiqué leurs choix en vue des élections, de divulguer les tendances du vote par circonscription. Ce pari n’est cependant pas gagné puisque le compteur affiche à ce jour un peu plus de 1100 participants. Selon Philippe Dallaire, le projet «a un peu atteint les limites de nos propres réseaux, il faut maintenant essayer de percer les médias de masse pour rejoindre la population en général».

Ce problème n’est d’ailleurs pas unique à Propage ton vote!, plusieurs plateformes citoyennes souffrant d’une faible diffusion hors des cercles d’initiés. Sans conteste, si le Web offre effectivement les moyens de renouveler la participation citoyenne, il demeure que la mise en action de celle-ci est loin d’être acquise.

Libéraux.net: un cas de figure

Le site citoyen ayant eu le plus grand impact à ce jour est sans contredit liberaux.net, qui présente près d’une centaine d’«aberrations, scandales, tromperies et mensonges» du parti libéral depuis 2003, tous solidement documentés grâce à des articles de journaux et des informations publiques. Mis sur pied au début de l’été par Geneviève Tardy, également connue sous le sobriquet de Geneviève L’Obstineuse, le site a rapidement fait l’objet d’une plainte dans les premiers jours de la campagne électorale. Le Directeur général des élections du Québec (DGEQ) a ainsi émis une mise en demeure visant à le fermer, mais s’est ravisé dès le lendemain, considérant le site comme un média citoyen, une décision qui instaure une jurisprudence non négligeable en la matière.

Si plusieurs enthousiastes relayaient déjà l’information de libéraux.net sur les réseaux sociaux depuis plusieurs semaines – le site était en ligne bien avant le déclenchement des élections –,les médias de masse auront cependant grandement contribué à sa diffusion, notamment auprès du grand public. De fait, il semble bien difficile au Québec pour une initiative indépendante de rejoindre un public important sans passer par les canaux de communication traditionnels.

Quand on connaît les orientations idéologiques et la concentration des principaux groupes médiatiques du paysage québécois, on comprend la difficulté de faire émerger un discours citoyen indépendant et véritablement critique envers les pouvoirs établis. Cet état de fait a notamment été illustré par la sélection arbitraire des participants aux récents débats télévisés.