Les sentiers battus ne sont certainement pas de ceux où vous aurez la chance de croiser Guylaine Pelletier et Geneviève Demers, les cofondatrices du Café Cambio à Chicoutimi. Depuis sept ans, la microbrûlerie anime la rue Racine tout en stimulant le commerce international équitable et coopératif. Portrait en quelques gorgées de cet espresso bien serré.

Originaires de la région de Montréal, les deux comparses entreprennent en 2004 un petit tour du Québec qui les emmène du Basdu- Fleuve à l’Abitibi, afin de dénicher le lieu idéal pour la réalisation de leur projet. «La rue Racine, au centre-ville de Chicoutimi, avec ses nombreux locaux à louer, nous a tout de suite allumées, précise Mme Pelletier. En plus, il n’y avait aucune microbrûlerie de commerce équitable. Avec l’université et le Cégep, on avait notre clientèle cible: les 25-35 ans». S’installer ainsi dans une rue commerçante si peu dynamique, tout un défi que les deux jeunes femmes peuvent se vanter d’avoir relevé avec brio.

Une mission éducative

«On voulait s’installer en dehors de Montréal, dans une ville où le commerce équitable n’était pas encore connu, afin de sensibiliser un maximum de gens à la consommation responsable et locale», précise Geneviève qui revient tout juste d’une année de coopération volontaire avec des producteurs de café en Haïti.

Dès lors, le café Cambio organise des rencontres thématiques, des expositions et des concerts, tout en distribuant des articles de production locale. Et depuis, peut-être n’estce que le simple fruit du hasard, la rue Racine connait un élan de vitalité avec l’ouverture de nombreux commerces et restaurants.

L’audace

Lancer un restaurant et une brûlerie en même temps, un autre pari audacieux relevé par la joyeuse persévérance de ses instigatrices. «La brûlerie, tu peux la laisser aller toute seule, tandis qu’avec la restauration, pour réussir à être rentable, c’est énormément d’énergie et tu ne peux jamais la lâcher! Cela a fini par empiéter sur le développement de la microbrûlerie», poursuit Geneviève Demers qui s’est occupée durant plus de cinq années de la gestion du Cambio.

«Maintenant que notre nom est fait, que le resto a une belle clientèle, on peut revenir à nos projets de départ, faire de la torréfaction artisanale et s’en retourner vers le monde du café en allant rencontrer des producteurs!»

La coop au coeur du projet

Pour le Cambio, le modèle coopératif est apparu comme une évidence lors de la rédaction du plan d’affaires. Le monde du café est très «coop»: les producteurs de café certifié équitable sont regroupés en coopératives, l’achat se fait via Cooperative Coffees qui est une coopérative canadoétasunienne dédiée à l’importation de café biologique partout à travers le monde. Le Cambio, coopérative de travail, regroupe à ce jour 15 membres.

«Avec Cooperative Coffees, on peut aller faire des tournées dans des pays producteurs, avec des dégustations de café, des rencontres, visiter des parcelles de culture de café. Tu peux prendre conscience de tout le long processus de la culture à la cueillette, dépulpage, séchage, triage, entreposage, exportation avant que le grain vert arrive au Café Cambio où on le torréfie, explique Guylaine. Alors c’est sûr que quand tu arrives pour faire ton espresso, tu fais bien attention à ne pas le faire couler trop vite, à respecter les règles de l’art et ainsi faire honneur à tout le travail qui a été accompli depuis le début».

La coop fait des petits

Du Cambio est né un second projet : nOula, coop de solidarité. Geneviève Demers et Guylaine Pelletier acquièrent de plus en plus de connaissances dans ce vaste domaine. Elles décident d’importer du café d’Haïti, petit pays situé à quatre petites heures d’avion, qui exporte pourtant la majorité de son café en Angleterre, en France ou au Japon.

C’est pour contrer cette improbable logique de la mondialisation, que la Coop nOula a été créée, il y a trois ans. Située à Montréal, cette nouvelle coop de solidarité importe uniquement des produits d’Haïti (café, cacao, artisanat). C’est grâce à ce partenariat avec nOula et son cofondateur, Jean-Christophe Stefanovitch, que le Cambio peut enfin distribuer du café haïtien.

«Le projet de microbrûlerie nous permet de revenir à l’origine, la base de nos élans professionnels, de ce qui nous fascine au départ: aller rencontrer les producteurs de café sur le terrain», conclut Guylaine Pelletier, dont le regard pétillant en dit long sur sa passion.

—————
Cet article a été traduit en anglais dans le supplément bilingue de notre édition de novembre 2012 sur le Sommet international des coopératives.