Parler de coopération, c’est parler par images. La coopération, c’est une histoire, des milliers d’histoires. Et une histoire, ça se raconte. Le colloque Imagine 2012, prélude au Sommet international des coopératives Québec 2012, a donc servi de scène pour des fables coopératives qui méritent notre attention. Imagine 2012 visait à faire prendre conscience du paradigme dans lequel la planète se retrouve.

Le pêcheur et le financier

Le pêcheur (sociétaire d’une coopérative de producteurs) allait à la mer tous les matins, pour quelques heures. Il récoltait quotidiennement une quantité de poissons qui lui permettait de vivre décemment. Après la pêche, il passait du temps avec ses enfants et sa femme, se reposait en après-midi et complétait sa journée par quelques menus travaux et en contemplant le paysage.

Un jour, un financier vint le voir. Il demanda au pêcheur pourquoi il ne restait pas plus longtemps en mer. Le pêcheur lui demanda: «Pourquoi?» Le financier lui expliqua qu’en restant en mer plus longtemps, il pouvait pêcher plus de poissons et les vendre pour ainsi faire plus d’argent.

Le pêcheur rétorqua : «Pourquoi faire plus d’argent?» Le financier poursuivit avec une évidence : «Pour pouvoir se procurer un deuxième bateau et pêcher plus.» Perplexe, le pêcheur réitéra son interrogation: «Pourquoi vouloir pêcher plus?»

Le financier ne comprenant pas l’incompréhension de son interlocuteur lui lança: «Parce qu’une fois le deuxième bateau payé, il faudra le vendre et une fois vendu, avec l’argent réalisé tu pourras profiter de la vie, soit passer du temps avec tes enfants et ta femme, te reposer en après-midi, et t’occuper de ta maison et profiter du paysage.»

Le pêcheur rétorqua: «Mais je profite déjà de la vie!»

Cette fable, racontée par Ed Mayo, de Cooperatives UK, démontre l’importance de se questionner sur les raisons motivant nos actions en général et celles des coopératives en particulier. Comprendre le pourquoi permet effectivement de guider nos pratiques, c’est-àdire le comment.

Cette fable mettait la table à une seconde, puis à une troisième, mythologiques cette fois.

Ulysse et Orphée

Deux personnages épiques incarnent les deux rationalités fondamentales qui distinguent l’approche corporatiste de l’approche coopérative.

Le premier personnage est Ulysse. Curieux et déterminé qu’il était, Ulysse voulait écouter le chant des sirènes malgré le danger que leur chant représentait. Les sirènes attiraient les marins vers les récifs par leur chant pour ensuite les dévorer. Ulysse ne put résister à la tentation. Il força donc les marins à se boucher les oreilles pour ne pas être séduits par les elles. Pour sa part, Ulysse s’enchaîna au mât pour pouvoir les entendre sans tomber sous leur charme. Pour arriver à ses fins, il utilisa la contrainte et la privation de liberté.

Le second personnage mythologique est Orphée. Ce héros était chef de nage, ce qui signifie que par son chant il dictait le rythme des rameurs en mer. Orphée mit son chant au service de son expédition et neutralisa le pouvoir séducteur des Sirènes. Il donna à son groupe et tous en sortirent gagnant.

Ces histoires, contées par le professeur Stefano Zamagni de l’Université de Bologne, nous rappellent que si les choix sont faits dans une perspective individualiste, on met de côté la liberté des autres et on crée de l’injustice. A contrario, Orphée a choisi la voix de la réciprocité, puisque la solution privilégiée a assuré que tous demeurent libres et que tous puissent profiter de cette expérience. Les coopératives et les mutuelles proposent une réelle alternative, grâce à la réciprocité, en maintenant à la fois la liberté et la justice pour tous.

Les Deux loups

La dernière histoire racontée lors d’Imagine 2012 est celle des Deux loups. Il s’agit d’une fable amérindienne.

Une jeune amérindienne écoutait sa grand-mère lui parler de la vie et des grandes contradictions existant en nous. Elle disait que deux loups vivent en nous et s’affrontent. L’un est bon, tolérant, amical. Il veut vivre en harmonie avec les autres. L’autre loup est colérique, individualiste et provoque des conflits.

Un peu inquiète, l’enfant demanda à sa grand-mère lequel des deux loups gagnerait? La grand-mère répond: «Celui que tu nourriras.»

Nous vous laissons le soin de donner un sens coopératif à cette dernière histoire et vous invitons à réfléchir à de nouvelles fables, de nouvelles histoires racontant les grandes questions coopératives.