L’été installe enfin son grand jupon vert sur le Québec et juste à temps pour accueillir touristes et villégiateurs, la toute nouvelle Coopérative de solidarité du Restaurant-dépanneur de Boileau, en Outaouais, a déjà ouvert ses portes. Après à peine un peu plus d’un an d’efforts communs, et à l’instigation de leur maire Henri Gariepy, une poignée de bénévoles organisés en comité provisoire, ont, d’arrache-pied, réussi à mettre en branle cette entreprise qui sera entièrement dirigée par des citoyens.

Boileau, ce n’est pas tout à fait le bout du monde, mais… c’est quand même un peu perdu au milieu de nulle part. Situé à 15 km à l’est de la route 323 et à 35 km en droite ligne de Namur, bref, loin des grands axes routiers, le village se niche douillettement entre la réserve Papineau-Labelle et les Laurentides. Alors quand l’unique dépanneur-resto a fermé ses portes en 2011, ç’a été un peu la consternation pour tout le monde là-bas. C’était en effet le seul lieu de ravitaillement sur tout le territoire. Faire 30 à 40 km pour aller acheter une pinte de lait ou manger un p’tit snack ou une pizza, ça ne tentait vraiment à personne.

Mais voilà, il n’y avait pas d’acheteur pour l’entreprise. Qu’à cela ne tienne, le maire, M. Gariepy, «celui par qui tout a commencé», ne s’avoue pas vaincu. Il va chercher l’expertise du CLD de Papineau puis de la Coopérative de Développement Régional (CDR) Outaouais-Laurentides, et de fil en aiguille est née l’idée de former une coopérative qui achèterait les lieux.

Prend aussitôt forme un comité provisoire, qui publie un feuillet d’information, qui donne lieu au recrutement de membres, qui visitent d’autres coopératives, puis se donnent une charte, ouvrent un compte bancaire, font des demandes de financement à toutes les instances pertinentes, font une offre d’achat et, bingo! Voilà la Coopérative de solidarité du Restaurant-dépanneur de Boileau en pleine effervescence, grâce à des investissements tous azimuts, pour un total de 182500$!

Un peu tout le monde mettant gratuitement et de bon cœur l’épaule à la roue, de rénovation en bénévolat et de bénévolat en rénovation, le restaurant-dépanneur est maintenant fin prêt à recevoir ses clients dans un décor chaleureux et flambant neuf, avec un menu varié (déjeuners, sandwichs, hamburgers, sous-marins, pizza…) et vraiment abordable, mais surtout des projets en pagaille pour améliorer la donne: soupers thématiques, jardin communautaire, expéditions en canot/kayak avec lunch fourni… Bref, ça bourdonne d’idées là-dedans!

Pas mal pour une municipalité qui en 2009 était classée dévitalisée et qui, il y a un peu plus d’un an, faisait ses premiers pas dans le monde coopératif. Pas mal pour un pays du bout du monde voué à la villégiature, où l’asphalte vient juste d’arriver et qui compte tout au plus 515 résidents à l’année, même si l’été, la population double. Malgré tout, la coopérative a déjà réussi à se rallier 155 membres actifs. Et avec dans sa manche, une solidarité qui a déjà fait ses preuves, sise qu’elle est dans un environnement luxuriant à fort potentiel touristique, la coopérative espère bien doubler ses chances de succès d’ici une autre année, confient les membres fondateurs.

Karine Desjardins, native de Boileau et présidente du conseil d’administration, déclare: «Je suis de la génération montante et cette génération croit en la solidarité. Je vous dis donc: Bienvenue chez vous! Nous avons créé ici une entreprise dans une logique capitaliste d’économie sociale. Nous voulons offrir des services de proximité, répondre aux besoins des gens de la place et réduire notre empreinte écologique en achetant local. Le carburant de ce genre de développement c’est la réciprocité communale.» La jeune femme dans la trentaine qui vient de terminer sa maîtrise en développement social et entreprend un doctorat sur «La pensée circulaire chez la Femme», est fière de faire partie d’un tel CA «sans hiérarchie» et espère que ce sera «contagieux» pour les jeunes de la place et «qu’ils pourront s’en inspirer».