Au milieu du mois d’août dernier, deux semaines avant la rentrée scolaire, la Maison familiale rurale de la MRC de Maskinongé annonçait qu’elle n’ouvrirait pas ses portes pour l’année scolaire 2013-2014. Alors qu’on attend toujours que le ministère de l’Éducation se positionne à propos des MFR, cette fermeture est l’occasion de se rappeler qu’au Québec, ce modèle d’éducation coopératif cherche toujours à se tailler une place.

La Maison familiale rurale (MFR) de Maskinongé a démarré ses activités en 2006 à Saint-Alexis-des-Monts. Elle offrait des formations du secondaire professionnel à des jeunes âgés entre 15 et 18 ans et à risque de décrochage. Comme dans toutes les MFR, les élèves habitaient sur place tout en suivant leur formation en alternance stages/études.

Le manque d’inscriptions y est pour beaucoup dans la fermeture. Au moment où cette dernière a été annoncée, seulement une vingtaine d’élèves étaient inscrits à la MFR alors que 35 auraient été nécessaires.

* Cet article a été publié avec un éditorial dans notre édition par abonnement en septembre.

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Depuis quelque temps, la MFR connaissait des difficultés. On avait même pensé à la fermeture, en 2011. Ce modèle n’étant toujours pas reconnu par le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS), le financement de l’organisme a été problématique jusqu’à la fin.

Au cours des sept dernières années, la MFR de Maskinongé a permis à environ 150 jeunes de trouver une voie alternative pour compléter leur cheminement scolaire. Ceux qui étaient inscrits pour l’année à venir ont été relocalisés dans des centres de formation professionnelle.

Un modèle qui cherche à se définir

Le concept de Maison familiale rurale est né en France, à l’aube de la Seconde Guerre Mondiale. Le mouvement est aujourd’hui très bien implanté dans l’Hexagone où plus de 400 MFR sont en opération. Au Québec, où on compte cinq MFR, le modèle est toujours à la recherche d’une formule gagnante.

François Chalifoux, en tant que président de la MFR de Maskinongé, est bien au fait des embûches qui peuvent se présenter et mettre en péril l’existence de ces établissements alternatifs d’enseignement. « Il y a plusieurs aspects, dit-il. De un, ça prend une très bonne collaboration avec les commissions scolaires. »

Ce sont ces dernières qui dispensent les diplômes d’études professionnelles offerts dans les MFR et qui prennent en charge le salaire des enseignants. À un certain point, la MFR de Maskinongé collaborait avec pas moins de trois commissions scolaires : celles de l’Énergie, de la Riveraine et du Chemin du Roy.

M. Chalifoux rappelle qu’un retrait du financement de la Commission scolaire de l’Énergie, en 2011, avait fait craindre pour la survie de la MFR. La Commission scolaire était revenue sur sa décision mais même si la MFR a réussi à rétablir la situation à ce moment, l’incident lui a fait mauvaise presse et « n’a sûrement pas aidé le recrutement par la suite ».

Alors que la MFR de Saint-Alexis-des-Monts a déjà accueilli plus de 40 élèves, François Chalifoux rappelle que beaucoup de jeunes qui y suivaient une formation n’étaient pas originaires du territoire des Commissions scolaires impliquées. « On avait beaucoup de monde de Lanaudière, de Montréal, de Québec, de Sorel, de Portneuf, des Laurentides. On avait du monde d’un peu partout mais pas beaucoup des Commissions scolaires qui chapeautaient ».

Le mode de financement des Commissions scolaires, qui reçoivent leur budget du MELS en fonction du nombre d’élèves sur les bancs d’école, est donc mal adapté à la situation de la MFR. Selon M. Chalifoux, seul l’emploi d’un agent de recrutement a permis, certaines années, de regrouper un bon nombre d’élèves de la région.

Même avec un nombre suffisant d’élèves et un certain appui des autorités scolaires, l’aspect financier reste difficile pour une MFR. La gestion de la résidence qui accueille les élèves est assurée par une coopérative. À Saint-Alexis-des-Monts, selon François Chalifoux, le montant que devaient débourser les étudiants pour la pension (environ 425 $) était insuffisant pour combler le total des dépenses de la résidence.

Alors que les Commissions scolaires n’ont que très peu contribué à son fonctionnement, la coopérative a dû se tourner vers les organismes régionaux de développement. « Mais les subventions, remarque M. Chalifoux, sont pour démarrer des projets, pas pour contribuer à un fonds de roulement ». Selon ce dernier, assurer un financement stable pour l’organisme était devenu quasiment impossible.

Une reconnaissance à venir?

Les supporteurs du concept de maison familiale rurale attendent toujours que ce dernier soit reconnu par le MELS. Alors qu’elles sont sujettes aux changements d’humeur des Commissions scolaires et aux aléas du financement, les MFR pourraient profiter d’une telle reconnaissance. C’est du moins ce que prétend Myriam Demers, présidente de la Fédération québécoise des coopératives de Maisons familiales rurales (FQCMFR) ainsi que cofondatrice et ancienne directrice de la MFR de Maskinongé.

La Fédération est depuis deux ans dans l’attente du Rapport d’évaluation du modèle pédagogique des MFR. Dans ce contexte, fait remarquer Mme Demers, « il est difficile pour les MFR de travailler dans une perspective à long terme ».

Pourtant, «les MFR s’inscrivent de façon extraordinaire dans la nouvelle réforme», affirme Myriam Demers. «  Je pense que, dans la situation qu’on vit actuellement, on manque de jeunes, on ferme des écoles dans les milieux ruraux, les MFR ne sont pas la solution mais font définitivement partie de la solution », a-t-elle déclaré à Ensemble, rappelant que pas moins de 80 % des jeunes qui fréquentent une MFR ressortent avec leur diplôme en poche.

Selon Mme Demers, une reconnaissance par le ministère aiderait le concept à se faire connaître, ce qui faciliterait le financement ainsi que le recrutement. Une pleine crédibilité pourrait être développée pour ce modèle alternatif qui aurait ainsi sa place dans l’offre d’enseignement existante au Québec.

La FQCMFR ne cherche pas pour autant à créer un modèle unique et figé. « La force des MFR, explique Mme Demers, tient à leur petite taille et à leur adaptabilité. »

« Nous croyons à la multiplicité des modèles d’éducation. Il n’y aura jamais un seul modèle éducatif adapté à 100 % des enfants. La MFR, c’est un modèle qui marche pour certains jeunes qui parfois ne cadrent pas dans le milieu traditionnel et qui sont souvent d’apprentissage plus manuel », dit-elle.

Concernant le Rapport d’évaluation du modèle pédagogique des MFR, on nous a confirmé, à la direction des communications du MELS, qu’il y avait eu une transmission de dossier avec le changement de gouvernement. Les travaux entourant le rapport seraient toujours en cours et ce dernier devrait être rendu public cet automne.

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