Depuis la fin du XXe siècle, des citoyens se mobilisent pour favoriser la persévérance scolaire de leurs jeunes, et leur permettre de se qualifier dans un métier valorisant et de prendre leur place dans leur région. Depuis bientôt quinze ans, des gens ordinaires suent sang et eau pour donner un avenir à des jeunes pour qui le moule du système ne rime à rien. Ces coopératives d’éducation, les Maisons familiales rurales (MFR), ont fait leurs preuves depuis longtemps, atteignant avec leurs jeunes présumés décrocheurs des taux de réussite qui font bleuir d’envie les polyvalentes. Et l’État tarde encore à les intégrer dans l’offre de services officielle du ministère de l’Éducation.

Qu’attend-on, au ministère ? Qu’attend-on pour reconnaître enfin cette formule gagnante, qui s’apparente à celle des coopératives de santé, et pour en faire la promotion auprès des dizaines de milliers de jeunes qui sont à risque de décrocher dans les écoles secondaires du Québec ?

Attend-on patiemment que les bénévoles s’essoufflent, que les fonds de développement régional se lassent de soutenir à bout de bras des infrastructures qui seraient rentables si quinze jeunes de plus s’y inscrivaient ? Attend-on que les jeunes, incertains de la réouverture de leur école jusqu’à la fin août, y trouvent une raison pour décrocher de plus belle ?

Reconnaissance des coopératives

Plus largement, c’est toute la question de la reconnaissance des coopératives que soulève le cas des MFR. C’est l’exemple flagrant qui montre à quel point l’État se traîne les pieds quand vient le temps de s’adapter aux réalités de l’économie sociale.

* Cet article a été publié avec un texte d’information dans notre édition par abonnement en septembre.

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Dans bien des secteurs, le plancher se dérobe sous les pieds des citoyens qui se mobilisent depuis des décennies pour répondre aux besoins de leur milieu. Deux exemples au hasard :

Les coopératives d’habitation font actuellement face à un désengagement de l’État fédéral quant aux fonds qui leur permettent de couvrir les frais occasionnés par les exigences de… l’État. Le contrat social établi à l’aube du développement des coops d’habitation est rompu.

Les coopératives de santé ont fait l’objet de dénonciations démagogiques, relayées par des médias de masse qui les confondent candidement avec les cliniques privées. Pourtant, les services de santé publics y sont dispensés gratuitement, sans discrimination entre les membres qui soutiennent l’infrastructure et la population pour laquelle ils le font. Le ministère tarde à prendre fait et cause pour ces alliées, qui contribuent à assurer des services là où l’État n’y parvient pas, et à désengorger les urgences.

La timide Loi sur l’économie sociale

Le gouvernement a tout de même fait acte de présence, en déposant sa loi-cadre sur l’économie sociale ce printemps. C’est le minimum. Très peu de moyens ont été annoncés, en attendant le plan d’action, pour répondre au besoin d’exister d’un secteur sans lequel le Québec ne serait pas sa propre ombre.

Ailleurs dans le monde, on a vu passer des lois qui donnent des dents à l’économie sociale. Les idées ne manquent pas : droit de premier achat des employés en cas de vente de leur entreprise, politiques d’achats gouvernementaux et d’accès aux appels d’offres publics, plafond d’écart de rémunération dans les entreprises d’économie sociale, enchâssement dans la Constitution. Au Québec, il n’y a même pas de constitution.

L’État doit faire plus que prendre acte de l’importante contribution de l’économie sociale au développement économique, social, culturel, humain, du Québec, dans des secteurs vitaux et sensibles. Il doit s’y investir, s’y engager. Ces structures portées par les communautés sont à la base de notre vie démocratique, et elles sont souvent plus fidèles aux principes démocratiques que notre grande machine gouvernementale.

Faudra-t-il que l’économie des grandes entreprises privées s’effondre, emportant avec elle les centaines de millions de subventions que l’État y engouffre, et que disparaisse leur importante contribution aux caisses électorales, pour que l’État se tourne enfin vers cette économie sociale qui répond en priorité aux besoins de la population? N’est-ce pas justement un accord parfait avec la mission première de l’État : répondre aux besoins de ses citoyen-ne-s ?

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L’auteur a été coordonnateur au démarrage de la MFR du KRTB en 2008-2009, et n’a plus de lien avec cette coopérative depuis plus de quatre ans.

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