Avec les scandales de corruption qui frappent à répétition le Québec depuis quelques années, la question de la gouvernance et de la transparence est devenue incontournable. Pour plusieurs intervenants réunis à Montréal le 19 juin dernier lors du forum Webcom, cette nécessaire évolution de la culture et des pratiques politiques passera par les nouvelles technologies, notamment autour du principe des villes intelligentes.

Regroupant chaque année des intervenants d’Amérique du Nord et de l’Europe, Webcom offre un terrain de réflexion et de rencontre entre des acteurs du numérique de tout horizon. Cette année, ceux-ci étaient rassemblés autour de la question des villes et territoires intelligents, un concept déjà évoqué par l’aspirant maire Denis Coderre, qui était d’ailleurs sur place, tout comme la chef de Vision Montréal, Louis Harel.

Repenser la citoyenneté grâce au numérique

Si un fil conducteur devait être dégagé des conférences et tables rondes de la journée, c’est qu’au-delà de la technologie en elle-même, les dispositifs dits «intelligents» (plusieurs participants ont indiqué préférer le terme «futé») impliquent des interactions inédites entre les citoyens, leur environnement et même l’État. Comme l’indique Patrick Dubé, l’un des organisateurs de Webcom Montréal 2013: «Ce qui est intéressant, pour un élu, c’est certainement la mise à disposition de technologies permettant de connecter des publics qui ne sont pas des collaborateurs naturels: les citoyens, les entreprises et les organisations publiques.»

Qu’on parle ainsi d’innovation ouverte, d’intelligence collective ou de participation citoyenne, ces processus impliquent d’abord la rencontre et la mise en commun des expériences, que les technologies servent avant tout à faciliter. À cet égard, Claude Béland, ancien président du Mouvement Desjardins, soulignait que «oui, il faut des communautés intelligentes, mais pour avoir des communautés intelligentes, il faut des citoyens intelligents, ce qui implique une éducation citoyenne quasi permanente».

Plusieurs initiatives, tant locales qu’internationales, illustrent d’ailleurs l’importance de la participation de citoyens dans les processus d’innovation, comme dans le cas des Living Lab, très présents à Barcelone et ailleurs en Europe. Si l’innovation qui découle de ces démarches est bien d’ordre technologique, son processus de codéveloppement implique néanmoins que des citoyens se prononcent sur son utilité, voire sur les conditions et freins à son utilisation. Cette participation permet alors une plus grande appropriation de la technologie ou du service développé, sans oublier la prise en compte du contexte social et culturel de sa réception et de son utilisation. Ce dialogue renouvelé entre les organismes publics, les entreprises privées et les citoyens montre sans conteste la voie d’une appropriation citoyenne de la technologie, mais aussi de l’espace public en général.

Un plan numérique pour le Québec du 21e siècle

C’est dans cet esprit qu’a été lancée l’initiative des Assises nationale du numérique, un processus de réflexion et de consultation sur les mesures à adopter pour que le Québec s’inscrive de plain-pied dans la société de l’information qui se développe sous nos yeux.

Afin de comprendre l’escalade informationnelle qui caractérise nos sociétés, Jean-François Gauthier, président-directeur général de l’Institut de gouvernance numérique, rappelait que le volume d’informations produit au cours de la dernière année équivalait à celui produit par l’humanité depuis 5000 ans et que ce volume double chaque année. En ce sens, «l’information est au cœur de notre devenir collectif» et sa gouvernance aura un impact économique, culturel et social de première importance dans les années à venir.

Pour Michel Cartier, professeur de communications à la retraite et mondialement reconnu, il importe que le Québec réfléchisse dès maintenant aux enjeux du numérique non seulement pour rester compétitif, mais également pour démocratiser la gouvernance et l’administration de l’État: «Il faudrait résoudre un premier problème qui est celui du Big Data, c’est-à-dire l’amoncellement des connaissances. Je ne veux pas dire que nous avons trop de connaissances, mais plutôt que nous n’avons pas les outils pour toutes les traiter correctement. Ensuite, il y a les informations gouvernementales. Ce sont des informations qui nous appartiennent à nous, citoyens, et elles doivent être ouvertes. Finalement, comment pourrions-nous améliorer ce que le gouvernement nous offre comme services? Le but ultime, c’est d’arriver à une gouvernance ouverte qui inclut davantage le citoyen.»

Les citoyens seront d’ailleurs appelés à venir s’informer et se prononcer se le sujet dès cet automne, les premières séances de consultation de la tournée régionale se tenant en septembre septembre. Cette tournée sera ensuite suivie des Assises du numérique, qui se tiendront à Montréal en avril 2014 et seront l’occasion de présenter un Plan numérique pour le Québec. Reste à voir si les pouvoirs publics seront disposés à le mettre en œuvre.

Webcom Montréal : http://webcom-montreal.com/
Institut de gouvernance numérique : http://www.ignumerique.org/
21e siècle numérique : http://21siecle.quebec/