Le printemps venait à peine d’éclore et on aurait dit que toute La Petite-Nation s’était donné rendez-vous à la Coopérative de solidarité de l’Auberge Petite-Nation, sise à Saint-André-Avellin, en Outaouais. C’est que ce soir-là avait lieu le lancement de la programmation été-automne du P’tit Café de l’Auberge qui en est déjà à sa quatrième année d’opération. Une prog béton? «Oui, mais alors un béton échevelé», rigole Dominic Rozon, directeur et cofondateur de la coopérative. Un béton ciselé qui ferait dans l’inhomogène, histoire d’accrocher un peu tout le monde. De juillet à décembre vont en effet défiler sur la scène plus de 30 artistes tous azimuts tandis que plusieurs autres événements culturels attireront aussi des spectateurs… et des touristes qui pourront loger sur place.

Ce soir-là donc, pour le lancement, il y avait plein de monde au P’tit Café. Mais ce n’était pas de connaître ou de ne pas connaître la faune locale qui vous donnait une gueule d’atmosphère, c’était le groupe musical L’Espace forain qui jouait «du tzigane italien… juste pour se pratiquer», dixit Maxime Berthiaume, créateur déjanté du groupe; c’étaient les enfants qui couraient entre les tables des empanadas de la ferme Brylee plein la bouche et surtout, sur écran géant, les photos des artistes qui défilaient en défrayant la chronique, parce qu’ils viendraient bientôt mettre ici le feu aux poudres: Arthur H, Jorane, Lisa Leblanc, Dumas, Gadji Gadjo, Mara Tremblay… Et puis, «qu’est-ce que c’est au juste, se demandait-on en catimini, que ce Laboratoire en biskanyouq?»

«Pour la programmation été-automne, on a voulu atteindre un public plus large, explique Dominic Rozon. On se spécialise encore dans la relève québécoise, mais on présente aussi, cette année, des groupes anglophones : Plants and Animals, Leif Volebekh, Groenland, Harvest Breed… Ce sont tous des bands montréalais, mais ils vont plaire au public ontarien. On essaie de rejoindre les gens d’Ottawa et ses environs.» Il suffit d’aller sur le site de l’Auberge pour se donner l’eau à la bouche. Une programmation étonnante pour une salle de 80 places tout au plus.

Comment explique-t-il le succès obtenu par une si petite salle? Qu’est-ce qui fait que tous ces artistes de renom acceptent, et même demandent, de venir s’y produire? «Au fil des années, répond Dominic Rozon, le P’tit Café s’est bâti une réputation. C’est une salle intime où le contact entre les artistes et les spectateurs fait toute la différence. Les artistes aiment pouvoir loger sur place et ceux qui viennent de loin pour assister aux spectacles aussi. Et puis, le public a grandi avec les années. Il y a eu Musique en Nous et le Théâtre des Quatre sœurs qui ont conquis les gens et ils ont maintenant à cœur tout ce qui se passe au niveau musical.»

En fait, explique-t-il ensuite, les spectacles et événements culturels du P’tit Café ont pour but d’attirer des gens, férus d’art ou touristes, et favoriser le volet hébergement de l’Auberge (cotée 4 étoiles, soit dit en passant, et ouverte aux gens de tous âges). De ce côté, M. Rozon affirme que ça va plutôt bien aussi. «Cette année, on est en avance sur les prédictions, dit-il. Ça roule déjà bien et mai a été un mois extraordinaire.» Avec la 50 (l’autoroute, pas la bière) qui passe désormais aux portes du village situé à mi-chemin entre Montréal et Ottawa, il pense que tout ira d’ailleurs de mieux en mieux.

Tour du monde au programme

Pour en revenir au lancement lui-même, disons que, du griot africain Zal Sissokho au folk de Tire le coyote et Mark Berube and the Patriotic Few en passant par l’instrumental de Pawa Up First, le yéyé de Jojo et les Sixtease et l’humour des Appendices, la programmation nous invite, tous azimuts, à un tour du monde des genres.

Rockabilly, folk, rock, jazz, blues, country, classique, pop, expérimental interdisciplinaire, vintage, flamenco et le toutime, il y en aura pour tous les goûts. «La formule a fait ses preuves l’an dernier. Tous les concerts affichaient complet, continue Dominic Rozon. Alors on remet ça.»

Cinéma Politica sera à nouveau de la partie pour présenter des films politiques indépendants d’artistes canadiens et internationaux, mais aussi l’événement Kino Kabaret Petite-Nation, qui en sera à sa troisième année. Il a attiré l’an dernier plus de 40 personnes. Une des vidéos, La Guidoune de Saint-André, de Lévy L Marquis, Éric Baril et Marilou Lajoie, a même gagné le Prix du public 2013 au Festival International du Court Métrage en Outaouais (FICMO). L’organisateur, Radanath Gagnon, invite tous les mordus de cinéma amateur et tous ceux qui voudraient s’y essayer, à s’inscrire cette année encore.

Sans oublier les soirées Peinture en direct dont «les thématiques font la force, explique Yan Marchildon, l’artiste aux commandes de l’événement. On présente à chaque fois une culture différente et les artistes découvrent autant que le visiteur. Les mots-clés? Dédramatiser l’art. Rendre l’artiste accessible au spectateur. Sortir l’art des galeries.»

Quoi d’autre? Ah oui: le fameux Laboratoire en biskanyouq d’Éric Larose… «Aller en biscanyouq, c’est prendre le chemin croche», déclare énigmatiquement notre homme. Voilà, voilà. Fin mot de l’histoire, semble-t-il, quand nous viendrons goûter les élucubrations de ce résident de Lac des Plages, fou-malade des mots, des sons et des images. «Ça porte sur la ruralité et la bêtise humaine en général», distille encore M. Larose comme l’appellent ici ceux qui arborent… la plus belle gueule d’atmosphère, finalement.