«Quand toutes les localités du Québec vont avoir réussi à rétablir le courant civilisateur, le Québec va être un merveilleux coin de pays.» C’est sur ces mots du président d’honneur Claude Béland que s’est ouvert aujourd’hui à Wakefield, dans la vallée de la Gatineau, le Forum coopératif de l’Outaouais. Dans le cadre de l’Année internationale des coopératives, la Coopérative de développement régional (CDR) Outaouais-Laurentides a voulu faire de cet événement une vitrine pour trois initiatives qui ont vu le jour récemment.

À partir de ces trois exemples de coopératives, qui contribuent à «rétablir le courant civilisateur», les participants ont discuté des enjeux de la diversification économique, de la vitalité des milieux et de la solidarité locale, ainsi que de l’identité et de l’appartenance.

Du bon lait fait par tout le monde

La célèbre Laiterie de l’Outaouais est une société à capital-actions dont sont actionnaires deux coopératives, annonce d’entrée de jeu le directeur général de la Coopérative de développement régional, Patrick Duguay. «La première est une coopérative de consommateurs dont les 700 membres consomment les produits, et s’engagent aussi à faire la promotion de cette laiterie et des produits régionaux, précise-t-il. La deuxième est une coopérative de travailleurs actionnaire qui regroupe les salariés de la laiterie, qui étaient cinq au début et qui sont maintenant 15 après 18 mois d’opération.»

À travers une conférence percutante, le président de la Chambre de commerce de Gatineau, Antoine Normand, a tracé l’histoire épique de cette réappropriation de l’industrie laitière par les citoyens de la région. «La concentration de la production laitière a frappé toutes les régions, rappelle Claudine Lalonde, coordonnatrice de la promotion et de l’éducation coopérative à la CDR Outaouais-Laurentides. Ici en Outaouais, la collectivité s’est mobilisée et ce projet a eu un impact important sur la consolidation de l’identité outaouaise, car c’est un produit de grande consommation et ancré dans notre quotidien.»

Antoine Normand, président de la Chambre de commerce de Gatineau

Grande séduction réussie

Élu en 2005 sur la promesse de mettre sur pied une coop de santé pour augmenter le nombre de médecins (un seul à l’époque pour près de 5000 dossiers), Maurice Boivin, maire de Thurso, a d’abord vérifié l’intérêt des citoyens en tenant une rencontre publique. Plus de 100 personnes y ont participé et douze personnes ont constitué un comité provisoire. Cette mobilisation a permis à la coopérative de compléter le montage financier. Elle a même pu racheter dès 2007 le bâtiment, que la Ville avait pris à sa charge.

Le recrutement de médecins supplémentaires s’est imposé comme une nécessité. L’adhésion à un Groupe de médecine familiale (GMF) a permis l’ajout d’une infirmière clinicienne, et la Coopérative de solidarité en soins de santé de Thurso compte aujourd’hui 1200 membres trois médecins. D’autres médecins sont intéressés à s’installer à Thurso. La Coopérative a un projet d’agrandissement de 250000$, qui va permettre d’ajouter cinq bureaux pour les nouveaux médecins et de nouveaux services.

Pour le maire Boivin, l’enjeu est plus large que la santé. C’est tout le développement de la communauté qui tient à ce projet. «Dans une municipalité, on parle souvent de l’enjeu d’attirer de nouveaux résidents. Il y a deux ingrédients importants pour une jeune famille, souligne-t-il: une école et des services de santé.»

Maurice Boivin, maire de Thurso

Solidarité au marché

Appelé à parler du Marché de solidarité régionale de l’Outaouais (MSRO), une coopérative de solidarité sans but lucratif qui offre plus de 2000 produits locaux préparés par 42 producteurs, Normand Bourgault, professeur au département des sciences administratives de l’Université du Québec en Outaouais, a consacré sa conférence à l’analyse de la construction identitaire des individus et des collectivités.

«Les coopératives sont des instruments de changement social, illustre-t-il. Nous sommes ce que nous construisons ensemble.» Le MSRO est un système d’achat hebdomadaire à commande Internet, une interface qui permet aux membres producteurs et consommateurs de transiger directement.

Normand Bourgault, professeur au département des sciences administratives de l’Université du Québec en Outaouais

Cela demande plus d’effort et de planification que d’aller à l’épicerie en sortant du travail, concède le chercheur. L’étude qu’il a réalisée au cours de la dernière année révèle que les membres sont motivés par:

  • Acheter localement
  • Participer au développement régional
  • Maintenir une agriculture régionale bien vivante
  • La recherche de source d’aliments locaux
  • Encourager les producteurs locaux, une cause qui me tient à cœur
  • Encourager l’économie locale
  • Manger et faire manger des produits qui viennent de producteurs locaux
  • Acheter chez-nous c’est important
  • S’impliquer envers sa région
  • Fierté de servir des produits locaux

Le professeur Bourgault associe toutes ces motivations à la promotion des valeurs des répondants et à leur volonté d’«exprimer ce que nous sommes». Le Marché de solidarité est donc pour lui un creuset de l’identité outaouaise.