À l’instar des citoyens de plusieurs villes du Québec, la population de Gaspé a célébré en grand le Jour de la Terre. La protection de l’eau, de l’air et des paysages se retrouvaient au cœur de leurs préoccupations.

Menées par une troupe d’une quinzaine de joueurs de tambour, environ 250 personnes représentant l’ensemble de la société ont circulé pacifiquement dans le centre-ville de Gaspé, malgré la neige et des températures au-dessous du point de congélation. Présents, on retrouvait des hommes, des femmes, des étudiants arborant leur carré rouge, de jeunes enfants, des personnes du troisième âge, de jeunes enfants. Tous avaient le même message: il faut prendre soin de la Terre.

«Il y avait dans la marche des jeunes, des vieux, des libéraux, des souverainistes (…), c’est la preuve qu’on peut s’unir autour de valeurs qui concordent. Nous avons à Gaspé de beaux paysages qu’on ne veut pas perdre. Juste à voir ce que l’Alberta a fait avec les sables bitumineux, ils ont tout ravagé. Allez voir les photos», s’exprime Julien Marcotte, l’un des membres de l’École de cirque de Gaspé qui ont animé le départ de la marche devant la Place Jacques-Cartier.

«C’est toujours plaisant de prendre part à des événements où je peux me servir de mon art pour rendre le message encore plus fort, ajoute son collègue Alex Poirier. Dans le magazine National Geographic, la Gaspésie est le seul endroit dans tout le Canada dans le top 20 des meilleures destinations à visiter au monde. Est-ce que l’on va perdre ce joyau? Le pétrole, ce n’est pas du développement, c’est de la régression.»

Comme ailleurs dans la province, les cloches de la cathédrale de Gaspé ont résonné à 14 heures pour marquer le Jour de la Terre. Sur la terrasse, Laurent Juneau, porte-parole du comité Ensemble pour un avenir durable du Grand Gaspé, a invité les gens présents à lire collectivement la Déclaration du 22 avril. «Je suis extrêmement satisfait de la participation considérant la température. On pensait être 200. On a dépassé donc nos objectifs», mentionne M. Juneau.

«Au départ, on nous avait demandé de se rendre à Montréal. Mais en y pensant bien, en faisant ce déplacement de plusieurs heures, on allait à l’encontre des principes du Jour de la Terre. C’est à partir de cette réflexion qu’on a eu l’idée de tenir l’événement chez nous. Comme d’autres villes du Québec, on va être uni à Montréal grâce aux cloches. Là-bas, il y a des affiches de la Gaspésie et de plusieurs autres régions. La preuve qu’il y a quelque chose qui s’opère entre la ville et les régions», ajoute M. Juneau qui espère que les gens des centres urbains soutiendront les actions pour protéger l’île d’Anticosti et les Îles-de-la-Madeleine.

Pour un meilleur monde pour nos enfants et nous aussi

La participation du groupe de percussionnistes Kilombo de Gaspé allait de soi, selon le meneur Martin Lonergan. «C’est la Terre. Ça nous concerne tous d’où l’importance de s’impliquer. Si on ne s’unit pas, ça va aller dans les mains des autres, qui n’ont pas nécessairement les mêmes intérêts que nous».

Plusieurs couples étaient également de la partie avec leurs jeunes enfants, comme Stéphane Beaulieu et Catherine Briand de Cap-des-Rosiers. «Nous, nous sommes de petits agriculteurs. On n’a droit à aucune subvention. On n’a pas la chance des grandes compagnies pétrolières. Le forage de gaz de schiste nous inquiète. L’eau doit d’abord servir à abreuver nos enfants, nos animaux. Il n’est pas question que l’on accepte cette industrie chez nous», mentionne M. Beaulieu. «Nous sommes mécontents des gouvernements, tant fédéral que provincial. Ils ne nous représentent aucunement. Ils n’ont aucune politique sociale et je n’aime pas la direction qu’ils prennent dans l’environnement, le culturel», ajoute Mme Briand.

L’événement pouvait compter sur la présence du cinéaste animalier originaire de Gaspé, Harold Arsenault. «La Terre est importante pour tout le monde. Il faut montrer aux gouvernements, que l’on veut que ça change. Les ressources naturelles doivent être une priorité. Pour la lutte aux changements climatiques, c’est maintenant que ça se décide. C’est maintenant qu’il faut faire des actions avant d’entrer dans un processus irréversible, indique-t-il. Si on a décidé de vivre ici et que les touristes viennent nous visiter, c’est en raison de la bonne qualité de vie que l’on retrouve ici et on veut la garder.»

Pas seulement pour l’environnement

«Nous sommes ici pour la mobilisation nationale. Nous sommes touchés par la réchauffement climatique, un phénomène qui touche toute la population», explique Germain Gagnon. Père de deux enfants à l’université, il porte à la boutonnière le carré rouge comme une bonne cinquantaine de personnes. «L’éducation, ce n’est pas un luxe. Il faut promouvoir le plus possible son importance et rendre l’éducation le plus abordable possible. L’endettement n’est pas la solution». Selon sa conjointe, ce sont les compagnies qui font des milliards de dollars de profits qui devraient contribuer davantage au financement de l’éducation.

Non à la fracturation hydraulique

Dans la foule, on retrouvait des pancartes avec différents slogans «Respect à la Terre», «Que l’eau reste pure à Gaspé», «Non à la fracturation». On pouvait reconnaître ce dernier sur une bonne dizaine de rectangles rouges.

Tout comme plusieurs habitants de Gaspé, Laurent Juneau du comité Ensemble pour un avenir durable du Grand Gaspé s’interroge sur les procédés que comptent utiliser les compagnies d’exploration et d’exploitation pétrolière à Gaspé. «Ils pensent que l’on est innocent, mais on se réveille. Un puits horizontal, lorsqu’on regarde bien dans les livres, c’est de la fracturation et c’est dangereux».

C’est d’ailleurs en ce sens que son comité a déposé jeudi dernier à l’Assemblée nationale une pétition de 5458 signatures visant le moratoire complet de la fracturation hydraulique au Québec. «L’eau potable, c’est une ressource importante à protéger. À Haldimand [secteur de Gaspé], les explorations pétrolières se font à proximité du territoire habité. Il y a des risques pour la nappe phréatique et pour la baie de Gaspé, qui est à moins de deux kilomètres. On parle de quelques puits. Toutefois, si on les laisse faire, ce sera ensuite des dizaines, puis des centaines de puits. Ça va se développer à vitesse folle. C’est maintenant qu’il faut les arrêter».

En Gaspésie, des rassemblements pour le Jour de la Terre ont également été tenus à Maria, Bonaventure et Sainte-Anne-des-Monts.