Selon la Water Ressource Institute, 232 millions de personnes sur Terre souffrent d’une pénurie d’eau. Si on trouve, au Québec, 3% des réserves mondiales d’eau douce, les Québécois sont également parmi les plus grands consommateurs de cette ressource. Une maisonnée, dans la province, consomme en moyenne plus de 400 000 litres d’eau par année. Pour assurer un partage équitable, une diminution de la consommation d’eau semble indispensable. Pour la Coopérative solidaire des Maisons populaires, la solution pourrait passer par la création d’un véritable cycle de l’eau au sein de nos habitations. Les trois mots d’ordre sont ici recyclage, réutilisation et réduction de la consommation.

Aviram Müller est un des concepteurs des maisons écologiques préfabriquées qui seront construites par les Maisons populaires. Si ces dernières ne sont pour le moment qu’à l’étape des plans, leur design s’est précisé et on peut apprécier les innovations qui visent à en faire un modèle écologique.

«Une maison conventionnelle, c’est une usine qui transforme des produits de valeur en déchets, soutient Aviram. Ce n’est pas intelligent, on voudrait qu’une maison soit le contraire de ça.» C’est à partir de cette prémisse de base que s’échafaude la conception des maisons. On souhaite utiliser au maximum ce qui entre dans la maison et ce qui est disponible dans l’environnement tout en minimisant ce qui en sort. «On ne crée pas des déchets, on fait des cycles», affirme le concepteur, expliquant que «dans une maison conventionnelle, il n’y a pas de cercles fermés, il y a des choses qui rentrent, il y a des choses qui sortent».

Une des principales ressources consommées par tous les types d’habitation, c’est l’eau. Dans une maison conventionnelle, l’eau potable est utilisée pour la douche, la baignoire, les robinets, la toilette. Même si une eau de moindre qualité serait suffisante pour, par exemple, la toilette, c’est tout de même de l’eau potable qu’on a pris l’habitude d’utiliser en Occident. Les Maisons populaires proposent des alternatives pour recycler et diminuer la consommation d’eau.

Premièrement, selon le design proposé, l’eau potable sera puisée à même le sol (on suggère des puits communautaires) et on mettra aussi à profit l’eau de pluie. On utilisera des panneaux solaires pour préchauffer l’eau qui sera par exemple utilisée pour la douche. Ensuite, le simple fait de séparer les eaux grises (douche, bain, évier et laveuse) des eaux noires (toilette) permet d’utiliser la ressource avec plus d’efficacité. Les eaux grises sont beaucoup moins sales que les noires et elles peuvent être recyclées. Après avoir passé dans un filtre pour en retirer la matière solide (cheveux et autres), elles peuvent être redirigées vers la toilette et vers le potager.

Traiter les eaux noires de façon écologique

Les eaux noires, contrairement à ce qu’on connaît, ne se dirigeront pas vers l’usine d’épuration locale ou vers une fosse septique. Fidèle à son idée de départ de créer un cycle complet de l’eau, Aviram propose plutôt de traiter sur place  les eaux de toilette. Un principe qui pourrait être utilisé est celui inventé par l’Étatsunienne Anna Edey, connue par le biais de l’organisme Solviva.

Selon cette méthode éprouvée de traitement des eaux noires, celles-ci sont dirigées vers une boîte isolée de lombricompostage où des vers rouges digèrent la matière solide et la transforme en compost utilisable en jardinage. Reste alors le liquide qui est dirigé, par un drain au fond de la boîte de lombricompostage, vers un deuxième traitement qui finira le travail. Trois possibilités se présentent alors pour ce traitement final qui a pour but de libérer l’eau de tous les minéraux et éléments chimiques qui sont véhiculés par l’urine et les excréments.

L’eau souillée peut être dirigée vers un bac où des plantes en retirent tous les nutriments (c’est un principe utilisé dans la construction des Earthships, maisons écologiques développées dans le sud des États-Unis et dont on trouve peu d’exemples au Québec). On propose également de faire passer l’eau dans des bacs où poussent des champignons. Le mycélium (la racine) des champignons agit comme filtre en dévorant entre autres les streptocoques. Une dernière solution est d’utiliser un mélange d’essences de plantes comme celui développé par Pierre Tremblay et testé par l’Université de Sherbrooke.

On comprend que le centre du problème, lorsqu’on parle de l’eau en construction écologique, c’est le traitement des eaux usées. Les méthodes conventionnelles impliquent des procédés chimiques coûteux et un mauvais fonctionnement peut entraîner d’importants dommages à l’environnement (comme lorsqu’une fosse septique désuète n’est pas remplacée). Pour le moment, le principal problème à la mise en œuvre d’alternatives écologiques en traitement de l’eau reste la réglementation provinciale qui, même si elle évolue, est lente à s’adapter aux dernières recherches.

Les Maisons populaires

Actuellement en formation, la Coop solidaire des Maisons populaires projette de mettre sur pied un réseau d’ateliers ruraux jumelés à des écoquartiers dans lesquels les futurs résidents pourront participer à la fabrication de leur habitation.

«Il faut recréer ce qu’était un village anciennement», nous explique Fernand Stuart, un membre de l’équipe des Maisons populaires. L’organisme souhaite créer, dans des villages de moins de 2000 habitants, une structure de vie commune et inclusive autour d’un projet. Les jeunes et les familles trouveront un milieu de vie sain et dynamique. On souhaite, par le biais des ateliers, développer une expertise en construction écologique et offrir de l’emploi aux travailleurs.

En s’établissant près des noyaux villageois, les Maisons populaires souhaitent donner un nouveau dynamisme à ces derniers, tout en permettant aux personnes âgées et à mobilité réduite de vivre le plus longtemps possible dans leur communauté. «Nos maisons sont faites pour naître, vivre et mourir dedans», résume Fernand Stuart.

Si la coopérative souhaite voir naître des filiales dans toutes les régions du Québec, pour le moment, c’est à Rawdon, dans les Laurentides, qu’un projet d’écoquartier incluant un atelier semble le plus avancé. Trois maisons sont déjà vendues, même s’il reste à les construire.

Dans les mois à venir, le journal Ensemble présentera une série de reportages pour suivre le développement du projet, dont le premier a été publié dans la revue COOPOINT 2013.