Un défi essentiel de survie des coopératives tient à leur mode de financement. Les aides offertes sont nombreuses, mais encore faut-il connaître celles qui sont disponibles, les institutions financières qui les dispensent et leurs conditions d’octroi. Des experts en financement des entreprises collectives ont été invités à présenter leurs programmes d’appui aux entreprises d’économie sociale lors du Rendez-vous de la coopération 2012, organisé par la Coopérative de développement régional (CDR) de Montréal-Laval.

Devant un public constitué en majorité d’entrepreneurs et d’acteurs du milieu social et solidaire, quatre experts financiers ont présenté les différentes ressources proposées par leurs institutions pour aider les entreprises d’économie sociale. «La mise de fond des promoteurs n’est souvent pas suffisante pour mener le projet à terme, explique Pierre-Alain Cotnoir, président de la CDR. Beaucoup d’institutions financières existent et peuvent venir en aide aux coopératives. C’est une occasion pour elles de mieux se faire connaître et pour les entrepreneurs de présenter leur projet et leur plan d’affaire.»

Des aides variées pour les coopératives

Léopold Beaulieu, président-directeur général de Fondaction, le Fonds de développement de la CSN pour la coopération et l’emploi, a rappelé l’importance de la capitalisation pour les coopératives. Fondaction souhaite contribuer à la sécurisation et la capitalisation simultanée des investissements. L’ancien trésorier de la CSN a donné l’exemple d’une personne gagnant entre 24 000 et 40 000 $, qui a décidé d’investir dans son REER personnel: «En tenant compte de l’avantage fiscal du REER, avec un déboursé net de 3 337,12 $, vous allez pouvoir acheter 4 669,26 $ d’épargne retraite, a-t-il expliqué. Si vous capitalisez votre coopérative, pour ce même montant, avec le RIC et le REER, vous allez pouvoir épargner 6 483,62 $. C’est intéressant, mais risqué parce que vous investissez dans une seule entreprise.»

Pour sécuriser l’investissement d’une part et capitaliser la coopérative, Léopold Beaulieu recommande de passer par Fondaction. «Pour la même somme, vous allez avoir épargné 5 000 $ dans Fondaction. Ce montant est sécurisé car le risque est réparti sur l’ensemble des investissements. Avec le retour fiscal, vous pouvez investir 3 426,50 $ dans votre coopérative pour la capitaliser.» Et de conclure: «Pour la même somme de 3 337,12 $, vous avez épargné 8 426 $, dont 5 000 $ sont sécurisés.»

De son côté, Claudette Girard, directrice de portefeuille principale chez Investissement Québec, a insisté sur l’importance d’assurer la relève des entreprises, une question qui guettera prochainement le Québec. «On s’attend à ce que d’ici les 10 prochaines années, 55 000 entreprises fassent l’objet d’une relève», a-t-elle affirmé, en précisant que 22 500 d’entre elles ne trouveront pas de repreneurs. À travers l’exemple d’un «garage revendu qui peut devenir une coopérative de travailleurs», elle a montré que les coopératives sont une avenue intéressante pour reprendre le flambeau de ces entreprises.

Diane Maltais, conseillère principale en développement stratégique à la Caisse d’économie solidaire Desjardins, a expliqué l’approche collaborative du «réseautage généreux», privilégiée par la Caisse. En général, les financiers bancaires «font du réseautage pour augmenter leur portefeuille. Nous, on fait du réseautage pour avoir des informations et les repartager avec les organisations. On travaille en entourant les groupes d’un vaste réseau de partenaires. On accueille les projets en amont, on les dirige vers des partenaires, on ouvre des portes». Elle a aussi souligné l’expertise unique, basée sur l’expérience, que la Caisse s’est forgée en matière d’économie solidaire, notamment grâce à une juste estimation du potentiel de risque des entreprises en fonction de leur capital social.

Jacques Charest, directeur général de la Fiducie du Chantier de l’économie sociale, a rappelé l’importance de l’aide à long terme pour favoriser la croissance des coopératives. La Fiducie propose entre autres des prêts sans garantie ou avec des garanties inférieures au marché, sans remboursement de capital avant 15 ans. Ce «capital patient» varie entre 50 000 $ et 1,5 million $. «Pour beaucoup de programmes gouvernementaux, on est le 20% qu’ils demandent de l’entreprises», a-t-il souligné pour illustrer l’effet de levier.

Speed-dating dans l’autobus Je coop

En marge de cette conférence, les coopératives de la CDR Montréal-Laval ont aussi eu l’opportunité de monter à bord de l’autobus Je coop, stationné devant le Centre des sciences de Montréal, pour y nouer des contacts professionnels.

«Je coop, c’est un slogan qu’on a voulu fédérateur dans le cadre de l’Année internationale des coopératives, pour rallier tous les acteurs du mouvement coopératif, résume Francine Morin, conseillère en communication pour l’année 2012 au Conseil québécois de la coopération et de la mutualité (CQCM). « Je coop », c’est une phrase qui souligne un engagement envers la coopération», précise-t-elle.

La campagne, qui vise à convaincre les gens de se joindre au mouvement et de démarrer plus de coopératives, a d’abord été lancée sur un site Internet. «Pour amener les gens sur le site web, on s’est dit qu’il fallait trouver des véhicules qui attirent l’attention, qui captent l’imaginaire des gens et qui leur donnent envie d’en savoir plus, explique Mme Morin. D’où l’idée de l’autobus, qui circule pendant trois mois dans les grandes artères très achalandées de Montréal.» Elle ajoute que la campagne de promotion de la coopération se déploiera bientôt dans les principaux pôles régionaux du Québec.

«Dans le fond, c’est comme un speed-dating, illustre Pierre-Alain Cotnoir. Il y a des coopératives dans à peu près tous les domaines, mais elles ne se connaissent pas entre elles. Des synergies peuvent se créer et c’est parfait, c’est le moment idéal. Dans un autobus, on est tassés et ça favorise les contacts. Il y a également des financiers qui vont permettre aux coopératives d’aller chercher la capitalisation dont elles ont besoin pour leur plan d’affaire.»

Marc Brûlé, vice-président de la Coopérative de solidarité Les Serres du Dos Blanc, s’est rallié au slogan. «Je coop, parce que je crois au modèle des coopératives, je crois au modèle d’économie sociale, explique-t-il. J’ai travaillé à Moisson Montréal avec un projet qui s’appelait « Bonne boîte, bonne bouffe », qui s’est mis en place parce que des gens, de façon coopérative, ont travaillé ensemble à le faire émerger. Pour moi, ce sont des modèles socio–économiques intéressants et importants.»

C’est à présent dans leur coopérative, pour en refondre la structure ou l’agrandir, que chacun des entrepreneurs et membres participants devront mettre en pratique les notions acquises pendant cette journée.

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Avec la collaboration de Nicolas Falcimaigne
L’auteure, étudiante au certificat en journalisme de l’Université de Montréal, effectue actuellement un stage à la Coopérative de journalisme indépendant
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