Rares sont les entreprises de collecte des déchets qui se réjouissent quand le tonnage de déchets diminue. C’est pourtant le cas de la Coopérative de solidarité Collecte Pro qui cherche à détourner le plus de matières résiduelles possible des sites d’enfouissement.

La coopérative de solidarité, qui est en opération depuis environ deux ans en Mauricie, compare même les matières résiduelles à des ressources naturelles ! Elle est aussi convaincue du fort potentiel économique qu’elles représentent.
Collecte Pro travaille activement à trouver des débouchés pour différents types de matières résiduelles. Actuellement, elle se concentre sur les métaux, les rembourrés et les matériaux provenant des technologies de l’information et de la communication (TIC).

«Ce sont soit des choses que les gens viennent nous porter directement ou que nous prenons dans des écocentres, indique le directeur général, Jean-Yves Guimond. C’est important que les gens comprennent qu’en recyclant, nous créons de l’emploi. En informatique, par exemple, si nous avons plus de matériels qui sont récupérés, il y a plus de matières disponibles pour les entreprises, donc plus de monde qui travaille là-dessus.»

Une mission sociale

La prochaine étape pour Collecte Pro sera d’ailleurs de s’attaquer à l’écoresponsabilité des citoyens et des ICI (industries, commerces et institutions). «Nous travaillons beaucoup sur l’éducation et la sensibilisation. Nous voulons développer le sentiment d’appartenance, explique Jean-Yves Guimond. Il faut que les gens comprennent qu’ils ne font pas seulement partie du problème, mais aussi de la solution.»

La coopérative cherche actuellement à attirer des membres de soutien. C’est-à-dire des citoyens et des ICI qui se sentent interpellés par la cause et qui sont prêts à offrir un appui tangible à la mission. Leur cotisation est de 10$ par année, ce qui leur donne droit à des rabais pour acquérir des biens qui sont faits à partir d’articles valorisés.

En plus d’impliquer des citoyens dans sa gestion, Collecte Pro poursuit une mission sociale en intégrant des personnes éloignées du marché du travail. La coopérative compte 70 employés.

Une structure unique au Québec

Actuellement, elle dessert près de 85% des municipalités de la Mauricie, en excluant celles de la Haute-Mauricie. Celles-ci sont les principaux membres utilisateurs. Elles paient un tarif selon le nombre de portes, comme c’est la norme dans l’industrie de la collecte des déchets.

En étant sans but lucratif, la coopérative a bénéficié d’une longueur d’avance pour entreprendre des pourparlers avec les municipalités. Son statut lui a donné la possibilité de négocier des contrats de service de gré à gré. «C’est unique au Québec que d’avoir une telle structure. C’est plus pertinent et c’est plus facile d’avoir un suivi administratif, estime M. Guimond. Nous ne versons pas de ristournes, mais les profits sont réinvestis dans l’entreprise.»

Collecte Pro est d’ailleurs sur le point d’acquérir deux camions qui serviront surtout à la collecte des matières recyclables. Elle vient tout juste de se doter d’un site Internet sur lequel elle compte poursuivre ses efforts d’éducation et de sensibilisation.
La coopérative travaille aussi de concert avec les municipalités membres. «Chaque mois, nous leur envoyons des statistiques pour qu’elles constatent l’évolution de leur tonnage de déchets enfouis. Est-ce qu’il augmente ou il diminue? Nous cherchons à les mettre en compétition pour qu’elles tentent de faire mieux que leurs voisins. Nous voulons les amener à faire les investissements nécessaires pour favoriser la revalorisation plutôt que l’enfouissement. Il y en a qui ont réagi, mais le milieu municipal est un monde conservateur. Ils fonctionnent selon des budgets bien précis.»

De plus en plus de déchets

Il reste encore beaucoup de travail. Il semblerait même que la situation se détériore depuis une dizaine d’années. «Au début des années 2000, nous produisions 20 tonnes de déchets par minute, au Québec. Nous en produisons 25 tonnes par minute aujourd’hui, indique Jean-Yves Guimond. Nous faisons plus de recyclage qu’avant, mais, tout de même, le tonnage de déchets augmente.»

À son avis, la société de consommation dans laquelle nous vivons y est pour quelque chose. «Ça va peut-être avec la qualité des biens que l’on achète. Avec l’arrivée des magasins à 1$, on hésite maintenant moins à jeter.»

Pour tenter de faire changer les habitudes et les comportements, le directeur général n’est pas encore prêt à diminuer la fréquence de la collecte des déchets pour encourager le recyclage, comme c’est le cas dans plusieurs municipalités.
«Quand les gens sont habitués de mettre leurs poubelles au chemin tous les vendredis depuis quarante ans, c’est difficile. Il faut prendre le temps de leur expliquer pourquoi on fait ça et quels sont les avantages.»