En 2008, la région de Montréal comptait 47% de la population du Québec et concentrait 69% des emplois québécois dans le domaine de la culture et des médias. La presque totalité des médias nationaux y a son siège social. Pas surprenant qu’il soit plus facile pour une personne habitant une grande ville comme Sept-Îles de savoir s’il y a un embouteillage sur le pont Champlain que de connaître les enjeux de l’élection dans son comté. C’est la «montréalisation» des médias. À la concentration de la presse et à la convergence qui l’accompagne, s’ajoute une certaine uniformisation de l’information: les manchettes des différents médias sont souvent les mêmes.

La folklorisation, Norman Snowball, correspondant pour CBC North à Kangiqsualujjuaq, la connaît bien: «ils croient encore que nous, les Inuits, vivons dans des iglous et nous habillons avec des peaux de bêtes, illustre-t-il. C’est désolant, surtout quand ce sont les bureaucrates du gouvernement qui ne savent pas ce qui se passe ici». Programmes mal adaptés à la réalité, projets qui ne tiennent pas compte des communautés, etc. …les conséquences sont bien tangibles.

La représentation des régions dans les médias est souvent centrée uniquement sur des faits exceptionnels comme la fermeture d’une usine ou un grand projet d’exploitation. L’accent est mis sur les retombées économiques pour la province, plutôt que sur la réalité vécue par les gens des régions.

L’information semble être faite pour les montréalais et non pour les citoyens de tout le Québec. Dans le dossier de l’exploitation du pétrole, François Roussy, maire de Gaspé rencontré pendant la tournée, a goûté à cette méconnaissance des dossiers régionaux par les médias nationaux: «les journalistes de QMI ont dit que Gaspé était contre les hydrocarbures sans même avoir parlé à la municipalité». Selon lui, lorsque ce sont des journalistes indépendants locaux qui travaillent pour les grands journaux nationaux, l’information transmise est plus fidèle à la réalité.

Pourtant, les journalistes pigistes de plusieurs régions sont arrivés à la conclusion que pour vivre de leur plume, ils devaient écrire directement pour des publications montréalaises, même-si ceux-ci ne traitent pratiquement pas de leur région. Alexandre Motulsky-Falardeau, journaliste présent à la rencontre de Lévis, explique que comme «il n’existe presque plus de publications à Québec parce que le marché est trop petit», il doit aller chercher des contrats à Montréal, au point où il écrit davantage pour des journaux de Montréal que pour sa région. À Mashteuiatsh, Guillaume Roy se décrit comme l’un des seuls pigistes au Lac-Saint-Jean et confie lui aussi collaborer régulièrement avec des magazines montréalais pour vivre.

Uniformisation

Mylène Landry, citoyenne de La Malbaie, explique «qu’il arrive souvent qu’on regarde dans différents médias et qu’on retrouve la même nouvelle». La convergence fait en sorte qu’il arrive de plus en plus fréquemment que le même contenu se décline dans différents formats et sur plusieurs plateformes.

Sylvie Fortin, conseillère en communication pour la Conférence régionale des élus (CRÉ) de la région de Chaudière-Appalaches, explique que «les journalistes de l’agence QMI ne savent pas quand sont publiés leurs textes et n’ont pas leur mot à dire sur les modifications». Celle qui travaille quotidiennement avec les journalistes confie que «ce qui nous inquiète aussi, c’est de voir que nos communiqués de presse sont reproduits intégralement avec les photos, sans nommer les sources, dans nos journaux régionaux». C’est ce qui a incité la CRÉ à créer un observatoire des communications, pour suivre l’évolution du milieu des communications et des médias, afin de pouvoir soutenir le milieu.

Il arrive fréquemment que les articles soient publiés plusieurs fois dans différents journaux d’un même groupe. Guy Tremblay, directeur de La Sentinelle, à Chibougamau, révèle que dans son milieu, c’est plutôt vu d’un bon œil. «C’est un plus pour la région», explique-t-il, ajoutant que cela fait rayonner les articles des journalistes.

Il n’est pas loin, le temps où le journaliste Gérald Prince, retraité de la presse locale rencontré à Drumondville, n’était pas payé plus quand un de ses articles était republié par la Presse canadienne, «mais c’était une fierté personnelle», se souvient-il. La visibilité est donc si rare pour les régions qu’elle semble rendre acceptable la reprise des articles, même sans rémunération supplémentaire.