Au-delà du 3 novembre 2013, comment faire pour que les citoyens restent «accrochés» à la politique de proximité? Dans une des villes ayant le moins voté aux dernières élections municipales, avec un taux de participation électorale de 39%, les partis et les candidats à la mairie de Montréal partagent rarement leurs idées sur la démocratie participative. Ensemble leur a donc demandé si leur programme incluait davantage les citoyens dans le processus démocratique.

Conclusion de ce sondage-éclair? La route entre la simple volonté «d’être proche des citoyens», répétée ad nauseam, et la démocratie directe ne montre aucun signe de vouloir se raccourcir. Au contraire, elle apparaît remplie d’écueils et de scepticisme. Entre défiance, inachèvement et détournement, la démocratie directe est encore une option lointaine pour ceux qui aspirent à diriger la plus grande ville du Québec.

Les probabilités d’un tel engagement, les moyens d’y arriver et la volonté de prendre des mesures distinguent les promesses de cette campagne.

Comment faire? Au-delà des données ouvertes.

Les idées sur la manière d’intégrer les citoyens divergent, sauf sur un sujet: les données ouvertes. La plupart des partis politiques ont en effet inclus cette résolution à leur programme. L’accès en ligne à l’information sur les appels d’offres et les contrats est par exemple énoncé dans la plateforme de Mélanie Joly. Kofi Sonokpon, candidat indépendant, propose lui aussi de faciliter l’accessibilité aux informations de la municipalité. Une action qui forcerait une certaine transparence, l’ouverture des données municipales n’est cependant pas suffisante. Qui pourra garantir qu’elles sont exhaustives?

Le numérique a aussi la cote dans les promesses de Harout Chitilian, conseiller de ville dans l’arrondissement d’Ahuntsic-Cartierville et candidat pour l’Équipe Denis Coderre. On reconnaît bien la marque de Coderre, qui se distingue par son omniprésence et sa popularité sur le réseau Twitter. «La rétroaction vers les élus, comme les sondages et les consultations, existe déjà avec les outils traditionnels, mais imaginez si on ajoute le numérique», expose M. Chitilian. Aura-t-on des ressources supplémentaires pour traiter et utiliser cette information? La réponse se fait plus évasive: «Considérant l’état des finances publiques, la meilleure façon de ne pas manquer notre coup est d’impliquer les citoyens dans le processus», croit-il.

Tendre l’oreille est une chose, changer son plan par suggestions en est une autre. L’Équipe Denis Coderre a tout de même réfléchi aux mécanismes concrets de cet élargissement de la prise de décisions, en misant sur des structures déjà existantes. L’Office de consultation publique de Montréal (OCPM), dont ils souhaitent étendre l’expertise, est leur institution chouchou. L’OCPM s’est notamment prononcée sur des projets d’aménagement urbain. Elle pourrait se saisir de dossiers dans les domaines de la culture et des finances… «c’est juste une question de temps», précise Harout Chitilian.

La population a en effet été consultée sur des questions d’urbanisme dans les dernières années, comme des projets de parc ou d’agriculture urbaine. Mais la participation est-elle confinée à ces projets «bonbons»? Des réalisations qui certes peuvent améliorer la qualité de vie dans un quartier, mais qui ne menacent pas le noyau dur du pouvoir: celui de dépenser l’argent des contribuables.

Projet Montréal, qui se présente comme spécialiste des questions d’urbanisme, relègue d’ailleurs la démocratie participative à une logique interne au parti, au fait que les membres des associations locales des différents arrondissements sélectionnent eux-mêmes les candidats. Peu ou pas un mot sur les actions à entreprendre pour transformer la politique municipale.

C’est bien là où le bat blesse. Outre l’écoute et la consultation, le domaine d’influence des citoyens est plutôt limité, et aucun parti ne fait part d’une volonté claire de l’élargir. Et de l’autre côté de la démocratie, que demandent les électeurs?

D’en bas ou d’en haut

Candidat indépendant, Clément Sauriol dénonce pour sa part l’absence de culture de l’engagement. Malgré sa reconnaissance du milieu communautaire, il a confié par courriel qu’il déplorait la concurrence des associations et leur difficulté à faire diminuer la pauvreté. Il propose donc de créer une agence métropolitaine qui regrouperait tous les intervenants communautaires. L’engagement politique passe donc par le communautaire pour M. Sauriol, mais il ne précise pas en quoi les élus pourraient modifier leurs façons de faire.

Michel Brûlé, d’Intégrité Montréal, trouve quant à lui «le concept beau sur le papier. Mais dans les faits, ça ne fonctionne pas». Il affirme que les citoyens choisissent des élus pour qu’ils prennent des décisions, puisque leurs vies très occupées ne leur permettent pas d’y consacrer le temps nécessaire. Il souligne aussi le risque – bien réel – que les exercices collectifs de prise de décisions soient accaparés par des groupes de pression déjà organisés, par «les gens les plus militants». Élu maire de Montréal, il miserait plutôt sur le contrôle, la surveillance et la transparence pour faire de la métropole un exemple démocratique.

Sa position, qui a le mérite d’être claire, met en lumière l’impasse classique: qui pourra faire évoluer la démocratie actuelle, les citoyens ou les élus? Le cercle vicieux qui s’opère d’un côté comme de l’autre n’a rien pour rassurer. Le sentiment d’impuissance laisse place à l’abstention, et ce silence des citoyens, au scepticisme du politicien sur leur capacité et leur désir à participer. Les structures restent donc inchangées, ce qui contribue à accentuer la perception des citoyens de ne pas être entendus.

Olivier Lapierre, attaché de presse pour la Coalition Montréal, préfère ne pas mettre les deux en opposition. «Le top-down [d’en haut vers en bas] et le bottom-up [d’en bas vers en haut] sont aussi importants», affirme-t-il au téléphone. Marcel Côté, chef du même parti, en appelle aux citoyens à déposer des projets, à partager leurs rêves. «Il faut que les individus approchent les élus et leur communiquent leurs projets, et c’est le devoir des élus de faire cheminer ces projets à travers l’appareil politique», souligne son attaché de presse.

Faire travailler le politique pour nous, ou devenir tous un peu plus politiques?