Comment pourrons-nous traverser les crises économiques, sociales et environnementales contemporaines? Grande question, à laquelle les membres de la jeune coopérative de solidarité Le Germoir proposent quelques pistes de réponse. Le groupe œuvre à mettre en place un «prototype d’infrastructure coopérative favorisant l’inclusion sociale et la construction de l’autonomie collective et individuelle». Fondé en 2013 à Saint-Louis dans la Baie-des-Chaleurs, ce projet a une valeur hautement symbolique. Il prend forme dans une MRC de la Gaspésie reconnue comme particulièrement défavorisée, sur le territoire d’un village fermé par le gouvernement en 1974.

À l’époque, treize villages gaspésiens avaient subi le même sort, dans le contexte du Plan d’aménagement de l’Est du Québec. Celui-ci proposait à l’origine la fermeture de 81 localités, une démarche de «rationalisation du territoire» freinée par un vaste mouvement de résistance populaire. Saint-Louis est passé de près de 2000 habitants à une quarantaine et la vaste majorité des infrastructures ont été démolies ou déplacées. «Quand ils ont fermé le village, ils ont enlevé l’électricité et l’asphalte, mais depuis, ils ont aussi replanté des petites épinettes de Norvège aux deux mètres sur les terres que les gens avaient défrichées», explique Maude Prud’homme, l’une des fondatrices du Germoir.

De la dévitalisation à l’inspiration

Les membres qui ont travaillé à la fondation de la coop mentionnent l’influence des villages de Saint-Camille dans les Cantons-de-l’Est et de Val d’Espoir en Gaspésie. Ceux-ci sont vus comme des exemples positifs d’une revitalisation initiée et soutenue par les habitants eux-mêmes. Le Germoir vise l’amélioration de la qualité de vie des résidents de Saint-Louis, tout en servant à son tour d’inspiration pour d’autres communautés rurales faisant face à des défis semblables. Le projet a pignon sur route dans une grange riche d’une longue histoire, qui a plusieurs fois servi de lieu de retrouvailles pour les anciens et anciennes du village fermé.

La grange de Saint-Louis dans la brume du matin, au début de sa rénovation.
Photo: Moïse Marcoux-Chabot

Répondre à des besoins collectifs par l’aide mutuelle

La coopérative naissante compte sept membres utilisateurs locaux et une vingtaine de membres de soutien habitant à proximité ou dans d’autres régions du Québec. L’inclusion de membres travailleurs fait partie des perspectives d’avenir, tout comme le démarrage d’entreprises locales écologiquement et socialement solidaires, soutenues par la coop et ses partenaires.

Le comité de coordination constitue le mode décisionnel privilégié par les membres, qui se fient aussi à un ensemble de comités autonomes pour considérer les besoins de la collectivité. Une étude de ces besoins a d’ailleurs identifié l’alimentation saine et l’accès à des espaces de socialisation comme enjeux principaux de l’amélioration du quotidien.

La coopérative prévoit y répondre en priorité par l’aménagement d’une cuisine communautaire et d’espaces partagés de travail et de rencontre. Le développement du volet agroalimentaire implique des jardins collectifs de proximité, la cueillette, la culture et la transformation de champignons et de plantes indigènes ainsi que la construction d’une serre d’aquaponie pouvant fournir des produits frais et locaux en toutes saisons.

Une bénévole lors d’une corvée de reconstruction.
Photo: Moïse Marcoux-Chabot

Visualiser pour mieux construire

Initiée en 2013, la rénovation et la conversion de la grange en infrastructure centrale de services collectifs est au cœur du projet. Les possibilités offertes par cette bâtisse sont parmi les motivations principales de François Guay, l’un des membres utilisateurs. C’est avec passion qu’il discute de l’aménagement envisagé et de techniques de construction écologique innovatrices et efficaces.

«C’est un projet qui est particulièrement complexe, à bien des égards. Les plans, la modélisation 3D, l’esquisse… ça permet de le voir et ça fait que les gens sont plus enthousiastes», conclut-il après avoir expliqué sa vision à des visiteurs. L’enthousiasme semble effectivement au rendez-vous, puisque 6000 heures de temps bénévole auraient déjà été consacrées au projet, uniquement l’été dernier.

François, membre utilisateur, explique la vision du projet à des bénévoles.
Photo: Moïse Marcoux-Chabot

————-
MISE À JOUR

Le Germoir a remporté le prix coup coeur du public au concours vidéo Coopérer, c’est faire ensemble, du Conseil québécois de la coopération et de la mutualité, le 14 mars 2014, pour la vidéo suivante.

NDLR : L’auteur a débuté à l’été 2013 la réalisation d’un documentaire indépendant sur le Germoir. Il est aussi devenu membre de soutien de la coopérative.