L’occupation des places financières par des Indignés a marqué la fin de l’année 2011. Montréal ne faisait pas exception et le mouvement Occupons Montréal a assiégé la place de la Bourse du 15 octobre au 25 novembre, sous la tente, pour réclamer une société plus juste et démocratique. Parmi eux, des correspondants du journal Ensemble ont transmis des reportages pour témoigner de cette mobilisation de longue haleine, directement à partir du terrain. En rétrospective, Paula Monroy relate ici les dernières heures de l’occupation, avant que les forces de l’ordre démantèlent le camp du Square Victoria.

Il était une fois, vers la fin d’un certain jeudi 24 novembre, dans un parc occupé de la ville de Montréal, les férus indignés d’Occupons Montréal étaient en détresse. L’expulsion devait survenir à six heure du matin si l’on se fiait aux informations que quelques policiers avaient fournies à une demoiselle occupante. Des actions devaient être entreprises… le plus tôt possible !

« Partons avec la tête haute et évitons l’expulsion, nettoyons le parc et laissons-y de l’art à la place. La police sera surprise quand elle trouvera des coeurs et rien d’autre où les tentes étaient postées » proposa une fougueuse rousse dans un élan d’enthousiame, « Ce pourrait être bien, pourquoi pas ? Réagissons autrement que dans d’autres camps ».

Mais Steve n’était pas de cet avis, « Ne soyons pas des moutons, résistons », s’exclamait-il, questionnant le reste de l’assistance. « Pourquoi ne pas défendre notre cause avec dignité ? Nous avons agit comme ils le voulaient et c’est comme ça qu’ils se comportent ? » En effet, le maire de la ville avait promit quelque temps auparavant qu’il ne changerait pas d’idée, qu’il les laisserait occuper le parc tant et aussi longtemps que les règles de sécurité étaient respectées à la lettre.

Le débat se poursuivit jusqu’au vendredi matin. « C’est très important pour nous de travailler ensemble » chantaient ceux et celles qui composaient la foule iconoclaste en se serrant dans leurs bras.

Ceux qui préféraient le front des pinceaux, de la peinture, des vieux vêtements et des cartons s’attelèrent à produire les oeuvres qui devaient servir à décorer le parc, bien que ceci ne fut entrepris d’abord que par le vieux John et la jolie Ann, respectivement l’itinérant que tous ne pouvaient littéralement sentir, et la fille rieuse à l’allure hippie.

Pendant ce temps, recueilli dans l’unique yourte de la place, Steve s’était lancé dans un remue-méninges avec les Indignés prêts à se faire arrêter. Ils n’étaient pas moins d’une quinzaine déterminés à se lier au mobilier qui servait de cuisine avant que la police n’arrive. Sûrs de leur coup, bien qu’anxieux, ils chantaient, partageaient un joint, buvaient des canettes de bière et s’encourageaient à faire face à ce qui s’en venait : pas la fin, mais le commencement.

Un autre groupe célébrait à côté de la reine Victoria. Formant un cercle, ils dansaient, tapaient des mains, improvisaient des chansons, ignorant le froid hivernal du matin. D’autres entouraient la statue de banderoles où figuraient entre autres slogans « On ne peut évincer une idée dont le temps est venu ».

Les grands médias se pointèrent, firent des entrevues, poussèrent des soupirs. À la grande surprise de tous, quand six heures du matin sonna, il n’y avait ni uniformes bleus, ni vestes oranges.

« Qu’est-ce qui s’passe, sacrament ! Peut-être qu’ils ont changé d’idée ? »

Non, en fait, la police arriva trois heures plus tard, fraîche comme une tisane à la menthe, pour expulser les fervents partisans d’Occupons Montréal. Malgré tout, les protestants demeurèrent en somme unis et calmes, livrant un appel à l’amour. Des pleurs furent partagés, on se tenait la main. Une chose était évidente, ces gens ne seraient plus jamais les mêmes.