À quelques exceptions près, la majorité des radios communautaires au Québec sont des organismes à but non lucratif (OBNL), mais les fondateurs de CIGN ont opté pour la coopérative de solidarité. En ondes depuis le 7 mai 2012, cette radio qui émet à la fréquence 96,7, sur la bande FM, dessert la MRC de Coaticook, en Estrie. La station soulignera son deuxième anniversaire au printemps prochain. Prouver son admissibilité aux programmes et permis habituels des radios communautaires se révèle un obstacle important pour cette relève coopérative pourtant enthousiaste.

Située près de la frontière américaine, à une quarantaine de kilomètres des grandes municipalités des Cantons-de-l’Est, Coaticook était laissée pour compte en matière d’information locale. «Qui, à Sherbrooke, va interviewer le maire de Coaticook le lendemain d’un conseil municipal? On entendait parler de nous uniquement quand il y avait des catastrophes», affirme Marc Boudreau, directeur général de CIGN.

Le Progrès de Coaticook couvre les dossiers locaux, mais le journal ne bénéficie pas de l’instantanéité de la radio. Avec une population d’environ 20000 personnes, l’information au quotidien prend une place importante, que ce soit pour les conditions routières, les fermetures d’écoles, la circulation ou les autres événements ponctuels. «Il se passe toujours quelque chose», ajoute M. Boudreau.

Se connaître, se reconnaître, se faire connaître

En plus de l’actualité, la population veut aussi se faire entendre, d’où le slogan de la radio: se connaître, se reconnaître, se faire connaître. C’est pourquoi, sept jours sur sept, la radio offre ses ondes à différents organismes communautaires. «Dès le début, c’était notre objectif: créer une radio d’information et faire de la radio une place publique pour la population locale», précise le directeur général. Tous s’entendaient depuis le début sur le fait qu’il n’y avait pas de place pour une radio musicale dans le marché.

Les commerçants de Coaticook se sont rapidement impliqués financièrement envers la radio. Gilles Garant, propriétaire de Brunelle Électronique, est l’un des premiers à avoir confié ses placements publicitaires à CIGN: «J’ai confiance en ma région». La venue de cette station était attendue depuis plusieurs années et dès l’annonce, il y a eu un engouement chez les gens d’affaires. Brunelle Électronique a souscrit 500$ pour devenir membre utilisateur de la radio avant même que celle-ci soit en ondes. M. Garant n’hésite pas à afficher, devant son commerce, qu’il syntonise le 96,7 et le chiffre des ventes de l’entreprise prouve que cette implication fonctionne: «Nous, on fait de la publicité qui rapporte. On ne fait pas de la publicité pour faire de la publicité.»

La reconnaissance institutionnelle auprès des programmes et mesures destinés aux radios communautaires s’est révélée plus difficile que prévu pour la jeune coop.

Coop à but non lucratif?

OBNL ou coop? Le choix s’offrait au comité organisateur dès les débuts du projet. Le comité s’est tourné vers la coopérative, comme plusieurs autres projets locaux. «En devenant une coopérative, on ne se sentait pas seuls», affirme le directeur général. Mais lorsque vient le temps de faire des demandes administratives, les problèmes commencent. Marc Boudreau admet qu’avoir su les embûches que la radio allait rencontrer, il n’aurait peut-être pas choisi le modèle coopératif.

La Régie des alcools, des courses et des jeux du Québec a refusé leur demande pour l’obtention d’un permis de bingo, mode de financement populaire auprès des radios communautaires en région. «On a perdu beaucoup de mois de travail. Ç’a été une saga. La Régie considère que les coopératives sont là pour avantager leurs membres et que la station n’est pas un organisme de charité au sens où elle l’entend. Il a fallu se préparer et aller faire la preuve.»

La radio avait eu un signe précurseur l’an dernier, lorsque la régie leur avait refusé un permis de réunion pour consommer de l’alcool lors du spectacle de lancement de la programmation. La décision a finalement été rendue en leur faveur.

Pour l’instant, la direction de CIGN s’interroge sur les avantages à offrir aux membres de la radio. Il y a environ 200 membres de soutien qui ont payé chacun 20$, une cotisation plus symbolique qu’avantageuse, puisqu’il est bien spécifié dans les règlements généraux que les membres n’ont pas droit à une ristourne, un des critères définissant le «but non lucratif». Reste le sentiment d’appartenance à un média local.

Un modèle peu exploité

Rares sont les radios communautaires au Québec qui adoptent le modèle coopératif. «Le démarrage de radios communautaires sous la forme de coopératives de solidarité est une tendance relativement récente», note Martin Bougie, directeur général de l’Association des radios communautaires du Québec. «Comme il y a encore peu de radios qui ont choisi cette avenue, il est encore difficile de déterminer s’il existe de réels avantages à la coopérative en comparaison de l’OBNL. C’est un modèle qui souffre un peu de son manque de notoriété auprès de différents intervenants, il reste un travail d’éducation à faire pour sa reconnaissance en tant qu’entreprise d’économie sociale.»

Outre CIGN à Coaticook, CKBN, dans la MRC de Bécancour et de Nicolet-Yamaska, est également une coopérative de solidarité. Ces deux radios ouvriront peut-être la voie à d’autres, mais il reste du chemin à faire pour que les instances gouvernementales comprennent que toutes les coops ne sont pas à but lucratif.