Si, au Québec, la question de l’exploitation des ressources naturelles et énergétiques est sur toutes les tribunes, elle est également d’actualité chez nos voisins du Sud. À la fin du mois de février dernier, Evo Morales, président de la Bolivie, a conclu une entente préliminaire avec le gouvernement japonais afin de débuter la troisième phase d’industrialisation du lithium. La Bolivie possèderait, selon plusieurs experts, de 30 à 70% des réserves mondiales de ce précieux métal blanc et, à ce jour, elles y sont quasiment inexploitées.

Depuis quelques années, le gouvernement de Bolivie a décidé de prendre en main le développement de cette industrie et y a investi près de 200 millions de dollars. Selon le président, pour continuer le développement en la matière, les Boliviens se doivent d’aller chercher de l’expertise et des capitaux étrangers.

« Nous voulons des partenaires, pas des patrons. »
Evo Morales, président bolivien

De nombreux pays, tels la France, l’Iran, la Corée du Sud, le Brésil et même le Canada s’étaient montrés intéressés à investir en Bolivie, mais le Japon a été le premier à offrir les contreparties que désirait la Bolivie.

« Nous voulons des partenaires, pas des patrons. » Ce slogan d’Evo Morales a trouvé écho dans la proposition nipponne puisque, en plus de promettre un réel transfert de compétences aux Boliviens, le Japon s’est montré ouvert à produire des voitures électriques sur place.

Le pétrole de l’avenir ?

Cette entente préliminaire positionne le Japon et la Bolivie de façon intéressante sur l’échiquier de l’industrie automobile des décennies à venir. Le lithium revêt pour cette industrie une importance capitale puisqu’il se retrouvera dans divers types de batteries ions au lithium qui entreposeront l’énergie de nos voitures électriques. À moyen terme, ce métal risque donc de remplacer le pétrole dans nos moyens de locomotion. Le groupe Meridian International Research estimait en 2007 que dans un avenir rapproché, c’est près d’un milliard de voitures électriques qui seront mises sur le marché.

Selon l’Institut d’études géologiques des États-Unis (USGS), les autres pays dotés de réserves de lithium sont l’Argentine, l’Australie, le Brésil, le Chili, la Chine, les États-Unis, le Portugal, la Russie, le Zimbabwe et le Canada. Toutefois, la Bolivie est loin devant puisqu’elle aurait près du double des réserves de lithium de son plus proche rival, le Chili.

Innovation et lutte contre la pauvreté

Jaime Siles-Otazo, consul de Bolivie au Québec, mentionne que ce projet constitue un réel chantier social d’innovation, de lutte contre la pauvreté. Selon lui, en plus de développer une main-d’œuvre plus qualifiée et des infrastructures de qualité, la Bolivie permettra à sa population de bénéficier de façon concrète des retombées économiques de l’exploitation du lithium.

L’État participera donc réellement aux profits de cette industrie au sein de co-entreprises avec le privé et ne se contentera plus seulement, aux dires du consul, de maigres impôts. La teneur exacte des redevances et des retombées n’est toutefois pas actuellement connue.

Participation des autochtones

L’article 30 de la nouvelle constitution bolivienne mise en œuvre par ce gouvernement garantit aux peuples autochtones installés sur les sites d’exploitation des ressources naturelles le droit d’être consulté et de participer aux profits de l’exploitation. Pour M. Siles, ce projet est une occasion de démontrer que « la démocratie n’est pas juste dans les élections mais aussi dans la gestion des affaires de l’État. »

Nombre de projets de l’actuel gouvernement d’Evo Morales vont dans le même sens. La mise en place des nouvelles autonomies autochtones et la reconnaissance de la justice autochtone communautaire sont des projets qui confirment, à l’instar des droits reconnus susmentionnés en matière de gestions des ressources naturelles, que ce gouvernement tente de redonner une voix à une population qui a été ostracisée pendant plus de 500 années de domination.

Pour Jaime Siles-Otazo, consul de Bolivie au Québec, le dossier du lithium est une occasion de démontrer que « la démocratie n’est pas juste dans les élections mais aussi dans la gestion des affaires de l’État. »
Photo : N.Falcimaigne