En déclarant 2014 «l’année internationale de l’agriculture familiale», l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) entend remettre la ferme familiale au cœur des politiques agricoles des nations. La crise financière et alimentaire de 2008, qui a provoqué des émeutes de la faim dans 36 pays, a servi de dure leçon. «Le monde compte 500 millions de familles paysannes et elles doivent bénéficier de politiques adaptées à leurs besoins pour assurer la sécurité alimentaire mondiale», a indiqué Marcela Villarreal, directrice du bureau FAO des partenariats, de la défense et de la capacité de développement, lors d’une table ronde sur l’agriculture au premier jour du Sommet international des coopératives, qui s’est conclu le 9 octobre dernier à Québec.

Quelque 18 millions de producteurs à peine bénéficient de semences améliorées et encore moins ont accès à des tracteurs pour opérer leurs exploitations. «Le néolibéralisme a décidé de faire reposer la pauvreté du monde sur les agriculteurs. Au lieu d’instaurer un système alimentaire permettant de redistribuer un revenu décent aux agriculteurs, les aliments à bas prix servent à nourrir les plus pauvres dont la majorité sont des producteurs», explique André Beaudoin, secrétaire général de la division Développement international de l’Union des producteurs agricoles (UPA-DI). L’organisation a signé, il y a deux ans, un partenariat avec la FAO en vue d’améliorer la sécurité alimentaire, surtout en Afrique.

Selon André Beaudoin, l’accès à l’information, aux intrants, à la technologie, à la recherche, au financement et aux marchés que l’on réserve à l’agriculture familiale n’a aucune mesure avec l’accès accordé à la grande entreprise. Le débat survient au moment où, en Amérique du Nord, le modèle de ferme familiale oscille entre le Goliath alimentaire, Cargill, et les quelques 5 millions de campesinos mexicains. Les chercheurs étudient le gradient de deux facteurs de production permettant de définir une ferme familiale, soit le travail fournit par la famille et la provenance du capital. La FAO prévoit dévoiler à Rome une boîte à outils munie de politiques et de recommandations pour appuyer l’agriculture et la ferme familiales à la fin d’octobre. Parmi celles-ci, la création de coopératives agroalimentaires ou un appui amplifié à celles existantes.

Reste que la taille des coopératives agricoles pose problème, particulièrement celles qui se lancent à l’assaut du marché international. Doivent-elles assurer leur croissance de façon corporative ou coopérative? Après avoir investi en 2007 dans une coentreprise laitière en Argentine avec le groupe d’investisseurs Adecoagro, le fleuron laitier québécois Agropur, troisième transformateur au Canada, s’est retiré du projet l’année dernière, après avoir perdu 10,6 millions $ dans l’aventure. Le principal actionnaire d’Adecoagro est le multimilliardaire George Sorros, qui spécule entre autres sur les terres agricoles de la région.

Toutefois, l’expertise laitière québécoise est requise dans plusieurs pays, notamment en Ukraine. La Société de coopération et de développement international (SOCODEVI) y a mis sur pied trois coopératives laitières qui regroupent 1100 membres, surtout des productrices, chefs de famille. Celles-ci ont doublé leurs revenus annuels à 3000$ grâce au recours à une meilleure génétique et à une meilleure alimentation. Le projet permet de créer des emplois en campagne et d’assurer une certaine sécurité alimentaire face aux importations de produits laitiers en provenance de Russie.