L’un est biologiste, consultant, et diffuse le message que, pour tout projet de développement économique, il faut compenser ce qui est perdu dans la nature et y associer dès le départ un projet environnemental. L’autre slamme et rappe avec son cœur, sa conscience et sa douleur, et fustige le Plan Nord. Qu’ils soient dans la pénombre d’une salle ou sous les lumières d’une scène, Jérémie Caron et Samian portent leur parole et expriment la vision des Premières Nations. Écoutons l’écho de leurs mots.

Lors de la conférence qu’il a offerte dans la Forge à Bérubé, Jérémie Caron explique le concept qu’il défend et cherche à faire connaître auprès des citoyens et des élus: «Pour tout projet de développement économique, il faut prévoir un pourcentage pour un projet environnemental. Il s’agit de redonner et non pas seulement emprunter». Il rappelle les impacts sur l’environnement des réalisations du passé, comme les barrages de la Baie-James, l’autoroute 20. La nature a une valeur et Jérémie définit les biens et services environnementaux (BSE) comme «un ensemble d’avantages que nos sociétés tirent des systèmes écologiques, par exemple les marais qui filtrent des matières».

Sur la scène, Samian dit qu’il porte la voix des oubliés, celle des Premières Nations, et que le rap est plus fort que la politique. Il chante l’espoir que les choses peuvent changer, qu’il faut se rassembler, écouter les aînés et rattraper le temps perdu, même si ce sera long. Il slamme et interpelle le gouvernement québécois: «Vous gouvernez un territoire plein de richesses. Ne me faites pas croire que cette terre vous appartient, c’est plutôt grâce à elle qu’on respire chaque matin. Vous faites basculer la chaîne alimentaire bien assis sur la colline parlementaire. À cause de vos mines, les poissons ont le cancer et nos ressources naturelles s’épuisent rapidement…»

Agir et se faire entendre

«Chaque être est important, si un disparaît, il y a une répercussion dans la chaîne», explique le biologiste en évoquant, entre autres, la perte d’insectes et le déficit de pollinisation. Pour Jérémie Caron, des solutions peuvent être trouvées dans une perspective durable et conciliées avec des contraintes économiques. Il cite la ville de New York qui prélevait l’eau dans une seule rivière et dont le traitement coûtait deux à trois milliards de dollars. Elle a réalisé une économie d’un milliard en changeant les prélèvements dans le bassin versant de cette rivière et les pratiques agricoles.

Pour le biologiste Jérémie Caron, trois moyens pour faire la différence: réaliser des projets écocompensatoires appliqués, préserver et acquérir des superficies naturelles, éduquer et transmettre des connaissances. – Photo: Christine Gilliet

Jérémie Caron est convaincu que le développement économique peut être mieux fait et que la compensation des pertes de terres et de vie doit se faire autant à l’échelle régionale que mondiale. À la conférence de Rio, ce thème a été largement débattu. Pour les citoyens qui veulent agir, il les invite à «participer aux audiences publiques et approcher directement les élus pour développer ce concept de compensation et d’écoresponsabilité».

Le biologiste revient à la source et questionne en rappelant le contexte de nos sociétés de surconsommation, d’urbanisation et d’agriculture intensives. Se doter d’énergies renouvelables, c’est bien, mais est-ce que l’on a besoin de tant éclairer nos villes et nos maisons? Il cite des maisons si bien conçues et isolées qu’elles se chauffent seulement par le dégagement de chaleur corporelle de leurs habitants.

Opinions sur le Plan Nord

«Je suis un guerrier, un warrior», rappe Samian qui juge le projet du Plan Nord désastreux et martèle les derniers mots du refrain, «L’argent ne se mange pas», galvanisant le public qui attend ses paroles. «Le gouvernement a décidé de perdre le nord pour des diamants, de l’argent et de l’or…. Il ignore que la nature est notre parfait équilibre, trop de consommation de biens matériels….Vous profitez de la terre pour vos propres envies sans même réaliser qu’elle nous maintient en vie. Vous voulez profiter pour une seule génération, mais ces terres nourrissent toute une population. Un jour vous comprendrez que l’argent ne se mange pas…»

«Une apocalypse, on n’a jamais vu ça», ce sont les mots de Jérémie Caron envers le Plan Nord qui poursuit : «Exploiter des mines, c’est creuser des trous de sept kilomètres de long et d’un de large. Cela crée des gros problèmes pour les écosystèmes et pour les utilisateurs de sentiers, comme par exemple les chasseurs trappeurs».

Le scientifique métis et l’artiste algonquin s’appuient sur la vision de la Terre Mère: «Écouter la voix des sages, nos aînés», proclame Samian. «Protéger les générations futures avec un développement durable, dans le respect, l’équilibre et la responsabilité, prône Jérémie Caron. L’enseignement des sages démontre que tous les éléments constituant la Terre Mère sont égalitaires.»