À l’occasion de la tournée de consultation publique que la Coopérative de journalisme indépendant tient dans toutes les régions du Québec ce printemps, à l’approche des États généraux sur le journalisme indépendant que l’Association des journalistes indépendants du Québec organise le 28 septembre prochain à Montréal, le journal Ensemble publie une série de portraits d’entreprises de presse indépendantes, coopératives et/ou d’économie sociale qu’elle rencontre sur son chemin, sous la forme d’entrevues. Voici notre rencontre avec L’Indice bohémien, journal coopératif culturel d’Abitibi-Témiscamingue.

«La coopérative de solidarité du journal culturel de l’Abitibi-Témiscamingue a été fondée en 2006, précise Maryse Labonté, directrice générale. La première édition du journal, l’édition 0, est sortie en mai 2009. Les éditions suivantes à partir de septembre, donc nous allons entamer notre cinquième année.»

Nicolas Falcimaigne, journal Ensemble : Ce journal culturel coopératif est né d’un besoin du milieu. Comment le besoin a-t-il été identifié?

Maryse Labonté, Directrice générale : Les médias à l’époque ne couvraient pas beaucoup le secteur culturel. Les artistes avaient besoin d’un dossier de presse. S’ils n’avaient pas de critiques, s’ils n’avaient pas d’articles qui décrivaient ce qu’ils faisaient, ils avaient de la difficulté à présenter leurs projets pour les demandes de subventions. Ce sont les artistes qui ont demandé d’avoir une couverture journalistique.

NF : Comment la coopérative est-elle structurée?

ML : Les membres utilisateurs sont des annonceurs, qui doivent payer l’adhésion de 20$ et une cotisation annuelle de 95$ pour avoir accès aux prix membre, soit un rabais de 15% sur le prix régulier. Selon le nombre de publicités qu’ils vont prendre au courant d’une année, d’autres rabais vont s’appliquer.

On a des membres de soutien, qui vont payer seulement les parts sociales de 20$, à vie. Il y a déjà eu des membres travailleurs, mais je pense que cette option a été abandonnée, parce qu’il n’y a pas beaucoup de travailleurs au journal. Mais la plupart des membres du personnel ont payé leur cotisation en tant que membres de soutien.

NF : Quels sont les enjeux auxquels vous avez fait face depuis votre démarrage?

ML : Pour implanter le journal partout en région, il a fallu trouver des points de distribution, et que les commerçants acceptent d’accueillir le journal dans leur établissement pour le distribuer. Il fallait trouver des bénévoles pour faire la distribution mensuelle de ce journal-là, et ça arrive vite!

Il a fallu trouver des clients, acheteurs de publicité, dans un journal qui n’est pas connu. Mais d’année en année, on voit une augmentation des ventes de publicité.

NF : Vous êtes diffusés à combien d’exemplaires et dans combien de municipalités?

On est diffusés à 10000 exemplaires dans pratiquement toutes les municipalités de la région. On a 345 points de distribution partout en région. Plus de 40 bénévoles font mensuellement la distribution du journal.

Nicole Gaulin, coordonnatrice à la rédaction et aux communications : Comme cela partait de Rouyn-Noranda, il fallait faire comprendre aux gens que ce n’est pas un journal de Rouyn, mais que c’est un journal régional. Il faut travailler sur le contenu pour que les gens sentent que c’est un journal régional. Il faut s’assurer de couvrir d’un bout à l’autre de la région.

On a des antennes un peu partout dans la région, qui nous proposent des sujets. On les propose aux bénévoles et ce sont eux qui nous manifestent leur intérêt. On repose vraiment sur du bénévolat. Je trouve ça incroyable qu’on réussisse chaque fois à produire un journal de cette façon-là. Même la correction est bénévole.

NF : En même temps, cela démontre la difficulté de financer un journal dans la région. Quelle est votre «recette gagnante»?

ML : Je pense que le fait de travailler avec des bénévoles est aussi un point gagnant. On vient de terminer notre campagne de membership. Plus on va être en mesure d’aller chercher des membres de soutien, plus ces gens-là vont être intéressés à aller chercher leur copie du journal qui vient de sortir, et que ça va faire boule de neige.

NF : Vous avez tenu une consultation dans cinq villes de l’Abitibi-Témiscamingue, quelles ont été les conclusions?

ML : Cette consultation a été menée entre octobre et décembre 2012 et a touché les aspects du contenu, du graphisme et de la distribution. Ces discussions ont été importantes et nous ont permis d’adapter nos pratiques aux besoins.

NG : Les consultations ont aussi eu un effet sur le recrutement de reporters, car on disait : on veut bien couvrir votre secteur, mais ça nous prend des reporters. Les gens, à ce moment-là, ont plus tendance à se prendre en main.

ML : Cette consultation-là nous a aussi aidé à aller chercher de nouveaux membres. Les gens se sentaient plus faisant partie d’une grande famille, et comprenaient qu’il est important d’y contribuer.