Dans l’imaginaire collectif, l’Afghanistan est une sévère république islamique qui a horreur des étrangers. La déconstruction de ce mythe devrait faire réfléchir les plus nationalistes d’entre nous et jeter un regard différent sur un pays dont on se fait tant d’idées, alors que notre propre province s’embrase dans un débat à propos de la diversité culturelle et des accommodements religieux. Un débat autour d’une charte qui ne vise que les fonctions d’État, mais qui réveille une bête au sommeil plutôt léger, la xénophobie.

Flower Street, Kaboul. Rue commerciale où se côtoient vendeurs de kebabs, merciers et marchands de téléphones cellulaire. Un bâtiment singulier contraste avec l’architecture ambiante et les édifices délabrés: une façade arborant … des étoiles de David.

Disciple des Écritures

Bienvenue à la synagogue de Kaboul. Son gardien se nomme Zebulon Simentov, dernier juif demeurant en Afghanistan. Il a refusé de suivre sa femme et ses enfants en Israël afin de préserver ce qu’il reste du patrimoine juif d’Afghanistan. Étonnamment, les Talibans ont toléré son lieu de culte durant leur régime malgré quelques épisodes de harcèlement. Ils ont notamment confisqué sa Torah, un vieux parchemin dont on ignore aujourd’hui le destin. Après lui? Ce qui reste de la synagogue – il ne peut l’entretenir, faute d’argent – risque de disparaître. Sa relation avec les Afghans musulmans? Cordiale. Il reçoit régulièrement des dons de la part de musulmans charitables. Après tout, sa religion en fait un Ahl-Al-Kitab, «disciple des Écritures», envers qui l’Islam se porte garant de tolérance.

Au très achalandé bazar de Kaboul, deux boutiques d’épices attirent l’attention. Les commerçants sont quant à eux d’origine sikhe. «Il existe au moins deux temples sikhs à Kaboul», dit Muhib Habibi, résident de la capitale et originaire de Kandahar. «La loi islamique garantit la liberté de religion des Ahl-Al-Kitab (juifs, chrétiens, hindous, sikhs bouddhistes). Sous les Talibans, c’était moins clair. Ils ont détruit les Bouddhas de Bamiyan. Mais cette synagogue et ces temples à Kaboul sont toujours là». Eux aussi jouissent de la bienveillance – et des affaires – des habitants de la capitale d’un pays dont 99% de ses habitants sont musulmans.

Commémorer dans la tolérance

Le 14 novembre marquait la commémoration de l’Ashura, jour saint de l’Islam chiite, une branche constamment en conflit avec son vis-à-vis sunnite, majoritaire en Afghanistan. Ce qui n’empêche pas les chiites de défiler dans les rues de Kaboul, drapeaux sur voitures, sous le regard des sunnites qui réagissent soit par acquiescement, soit par indifférence.

Et le voile? Omniprésent, bien sûr, mais surtout des hidjabs – un mélange de lois civiles et religieuses forme la base du système légal afghan, les lois religieuses prédominant tout conflit avec les lois civiles. Beaucoup de femmes portent encore la burqa, vestige d’un régime intégriste taliban qui a battu en retraite. Les femmes non-musulmanes se voilent sans y être obligées, surtout pour ne pas attirer l’attention. L’accueil des étrangers? Les légendes sur l’hospitalité afghane ne mentaient pas.

Il y a des intolérants partout. En Afghanistan, cela peut se manifester violemment comme cet attentat-suicide lors de l’Ashura de  2011. Mais les intégristes talibans ne sont pas le peuple. Celui-ci, pourtant fier de ses traditions, semble accepter la diversité culturelle et religieuse. Pourquoi le Québec n’en serait-il pas capable? On peut surveiller l’intégrisme sans craindre la différence.