Le mouvement féministe se veut plus inclusif que jamais. La volonté de réduire les inégalités entre les femmes et d’appuyer les revendications de celles marginalisées en raison de leur classe sociale, de leur culture, de leur religion, de leur orientation sexuelle ou de leur âge a été affirmée plusieurs fois lors du Forum sur les États généraux de l’action et de l’analyse féministes, qui a réuni plus d’un millier de femmes de jeudi à dimanche.

Les questions de la Charte des valeurs et de la laïcité n’ont pas été nommées directement pendant le forum, mais un bon nombre de propositions allaient dans le sens de l’inclusion des femmes immigrantes. Les participantes se sont par exemple prononcées massivement en faveur de la proposition voulant que le mouvement féministe «s’engage à combattre tous les systèmes d’oppression à l’œuvre dans la vie des femmes, puisque que ceux-ci alimentent le patriarcat et définissent la façon dont il affecte chacune d’entre nous». Elles ont aussi voté pour «contrer l’instrumentalisation du féminisme à des fins racistes et nationalistes».

Cette volonté manifeste d’inclure toutes les femmes n’a pas plu à Michèle Sirois, présidente du nouveau regroupement Pour le droit des femmes. Elle s’est inquiétée que la reconnaissance d’une panoplie de «petites luttes» n’entraîne une fragmentation du mouvement.  «Je ne trouve pas que ma lutte soit petite» a rétorqué une jeune femme immigrante, dont l’intervention s’est soldée par un tonnerre d’applaudissements.  Mme Sirois s’attendait à se retrouver ainsi en minorité en participant au forum. «Beaucoup de femmes ne sont pas venues parce que le cahier de propositions leur levait déjà le cœur», s’est-elle plainte.

La présidente de la Fédération des femmes du Québec (FFQ), Alexa Conradi, a toutefois spécifié à plusieurs reprises que le forum n’était pas celui de la FFQ, mais celui de l’ensemble du mouvement féministe. Les participantes sont venues de partout au Québec et provenaient des centres de femmes, des organismes de lutte contre la violence conjugale et des organisations syndicales. On trouvait aussi des représentantes du Collectif des féministes musulmanes du Québec et de Femmes autochtones du Québec.

Les participantes ont débattu de thèmes aussi variés que la santé, le système économique, la place de l’écologie dans le mouvement féministe, la démocratie, les stéréotypes, le nationalisme, l’inégalité entre les femmes et la solidarité avec les femmes autochtones. Ces thèmes sont issus d’une réflexion initiée par la FFQ il y a plus de deux ans.

Rapprochements et solidarité

«On a vu comme jamais la pluralité du mouvement féministe dans toute sa splendeur», a déclaré Ariane Émond, co-fondatrice de la Vie en rose, à la fin du forum. Elle s’est particulièrement réjouie des avancées en matière de droits autochtones. En 1994, Femmes autochtones du Québec et la FFQ ont signé une déclaration solennelle de solidarité. Les présidentes des deux organisations ont participé à une table ronde samedi pour revenir sur le chemin parcouru. «C’est important de prendre notre place et de montrer nos couleurs à nous», croit la présidente de Femmes autochtones du Québec, Viviane Michel. C’est grâce à cette volonté que, pendant les États généraux, des femmes autochtones ont été présentes non seulement sur la table sur l’autodétermination des peuples autochtones, mais aussi sur les autres tables.

«Avant d’entrer dans les trucs techniques, il fallait se connaître, il fallait échanger», explique Viviane Michel.  Au début, les échanges n’allaient pas assez vite au goût d’Alexa Conradi, qui a peu à peu appris à prendre le temps. «Dans cette culture que je découvre, on n’impose pas de séparation entre le spirituel, l’intellectuel, l’émotif et le physique. Ça me fait du bien», souligne-t-elle. Elle a invité les Québécoises à ne pas attendre les invitations de leurs consœurs autochtones pour se montrer solidaires. «Je suis toujours  étonnée de ne pas voir davantage de femmes québécoises dans les actions contre les disparitions et assassinats de femmes autochtones. J’aimerais ça vous y voir plus», conclut-elle.