Deux avenues sont à envisager pour pallier l’échec de l’autorégulation en matière de déontologie journalistique: la création d’un Conseil de presse avec un pouvoir de sanction et la mise en place d’un système de certification de journalisme indépendant. L’imposition d’un code de déontologie journalistique par un Conseil de presse renforcé interviendrait comme complément à une mesure incitative de certification de la qualité.

Ce sont des solutions qui pourraient renverser le paradoxe de notre époque, où l’abondance de l’information ne fait qu’aggraver la crise de confiance envers les médias. Serge Blondin, propriétaire du journal indépendant le Point d’impact, à Saint-Jérôme, n’y va pas par quatre chemins pour soulever les problèmes de crédibilité de la presse: «il est temps de mettre le pied à terre et de trouver une façon de savoir si un site internet a été écrit par un bouffon ou par un journaliste».

Certifié «journalisme indépendant»

Puisque la création d’un titre professionnel de journaliste semble exclue pour le moment, pourquoi ne pas «établir des critères de qualité par rapport à ce qui est écrit, plutôt que par rapport à celui qui l’écrit» comme l’a suggéré Roselle Brassard, participante à la consultation de Mont-Tremblant.

Pour le journaliste Mathieu Carbasse, à Montréal, la certification du contenu pourrait aussi donner confiance envers les sources d’information alternatives. «Puisqu’on se rend bien compte que le consommateur a du mal à dévier des médias de masse, puisqu’il ne sait pas ce qu’il peut trouver ailleurs, n’ayant aucune garantie du contenu, pourquoi ne pas créer un label décerné par une autorité indépendante?»

Des critères minimaux seraient utilisés pour déterminer si un contenu mérite le sceau de qualité du journalisme indépendant. L’œuvre publiée devrait être soumise à la révision des pairs et respecter la déontologie journalistique. Son auteur devrait se montrer sans affiliation, activités ou actifs, le plaçant en conflit d’intérêts avec celui du public, pour cet article. «On pourrait par exemple certifier que la provenance de telle ou telle vidéo mise en ligne a été vérifiée par un journaliste», explique M. Carbasse.

Le label accompagnerait les articles, photos, reportages audio ou vidéo et il permettrait d’atténuer la confusion de genres qui règne dans la presse. Il pourrait, par exemple, être décerné par le Conseil de presse, surtout dans un contexte où celui-ci serait renforcé par davantage de pouvoirs.

Un chien de garde légalement contraignant

Le Québec a choisi l’autorégulation des médias, à l’instar de nombreux pays occidentaux. Le Conseil de presse du Québec (CPQ) fait donc figure de tribunal vers lequel les citoyens peuvent se tourner s’ils estiment qu’il y a eu manquement à la déontologie journalistique. L’organe s’en remet jusqu’à maintenant à «l’obligation morale», ou à la bonne foi, puisque ses blâmes n’ont pas force de loi et que l’adhésion des entreprises de presse y est volontaire. Le départ de Québecor, en 2010, l’a en outre considérablement affaibli, puisque le géant médiatique représente une part de marché importante.

Certains ont d’ailleurs choisi l’ironie pour railler le manque de pouvoir de sanction du Conseil de presse. «Tel journaliste a mal écrit son article? Oh, ce n’est pas bien!, a lancé le journaliste Matthieu Max-Gessler à Trois-Rivières, avant de poursuivre plus sérieusement: je pense qu’il faudrait que le Conseil de presse ait un pouvoir plus coercitif.»

Normand Forgues-Roy, journaliste de Gatineau, croit aussi qu’un pouvoir de sanction pour le Conseil de presse serait susceptible d’améliorer le cadre légal pour les journalistes. Pour André Courey, journaliste de Mont-Tremblant, «les standards établis et reconnus représentent des avantages pour les journaux».

Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) semble être un exemple à suivre, selon M. Max-Gessler. Geneviève Grondin, dans la même ville, évoque les moyens de sanction du CRTC auprès des radios musicales ne respectant pas leur obligation de diffuser un minimum de musique francophone: «on pourrait donner des amendes».

Le modèle existe déjà ailleurs. Le Conseil de presse suédois agit notamment comme garantie d’application des dispositions déontologiques et il impose une amende en cas de manquement. Mme Grondin a d’ailleurs suggéré que les montants ainsi rassemblés soient «redistribués pour financer les journaux indépendants ou pour améliorer les conditions de travail».

Enfin, la nécessité de fournir des ressources suffisantes au Conseil de presse pour qu’il puisse poursuivre sa mission n’a pas manqué d’être évoquée. Sylvie Fortin, conseillère en communications à la Conférence régionale des élus (CRÉ) de Chaudière-Appalaches, rencontrée à Lévis, croit notamment que «l’État devrait obliger les entreprises de presse à financer le Conseil pour qu’il ait un vrai pouvoir».