L’urgence écologique trouve-t-elle une réponse dans la coopération? Louis Favreau l’affirme sur toutes les tribunes et soutient même qu’il s’agit d’une priorité absolue pour les coopératives. De passage au Forum coopératif de l’Estrie, qui s’est tenu le 19 avril dernier à Sherbrooke, le sociologue s’est entretenu avec le journal Ensemble sur sa vision du rôle à venir du mouvement coopératif dans le dépassement de la crise économique, sociale et écologique.

«Faire mouvement»

Pour Louis Favreau, le mouvement coopératif en est aujourd’hui à dépasser le cadre des entreprises individuelles et à étendre ses valeurs à l’échelle de la société toute entière. Pour accomplir cette tâche, il est important de «faire mouvement», c’est-à-dire qu’il est nécessaire pour le mouvement coopératif de s’organiser politiquement et d’articuler un discours rassembleur et pragmatique. Déjà, en novembre 2011, à la cinquième édition des Rencontres du Mont Blanc, des acteurs internationaux de l’économie sociale se sont regroupés pour présenter une plate-forme comportant «cinq grands chantiers et vingt propositions pour changer de modèle à l’heure de Rio+20».

Plusieurs initiatives désirables sont déjà amorcées à l’échelle des entreprises. M. Favreau cite ici l’exemple de la coopérative agricole Nutrinor au Saguenay. Nutrinor a volontairement adopté plusieurs pratiques écologiquement conscientes: préférer le train aux camions pour les déplacements, investir dans la recherche pour réduire l’empreinte écologique des intrants agricoles etc. Le sociologue mentionne aussi l’exemple des coopératives forestières qui ont opté pour la coupe intelligente, pour la valorisation de la bio-masse dans la production énergétique, pour le développement de la coopération internationale… La tâche serait donc d’amener cette vision économique au gouvernement.

Pour ce faire, le mouvement coopératif devra faire plus que rédiger des mémoires dans le cadre de commissions gouvernementales, illustre le chercheur. Faire mouvement, c’est aussi faire front commun avec le mouvement communautaire, le mouvement syndical et le mouvement écologiste. Selon Louis Favreau, les cinq chantiers identifiés aux Rencontres du Mont Blanc représentent des valeurs auxquelles les quatre mouvements peuvent adhérer.

Le mouvement coopératif doit prendre la parole

L’année internationale des coopératives se déroule côte à côte à un vaste déferlement de mouvements populaires: le mouvement étudiant, le mouvement des Indignés, le mouvement contre l’exploitation des gaz de schiste… Pour Louis Favreau, le mieux à espérer de cet élan de protestation est qu’il se marie au mouvement coopératif pour devenir une réelle action collective de longue durée. Apprendre le sens du travail dans la durée, là est la tâche qui attend étudiants et indignés, «parce qu’on est dans une logique où le modèle dominant est très très puissant», rappelle le sociologue.

Le mouvement coopératif devra sauter sur l’occasion de prendre la parole politiquement dans les jours à venir. Déjà, le 26 avril 2012, à l’occasion de son assemblée générale, la Caisse d’économie solidaire accueille le Groupe d’économie solidaire du Québec (GESQ) pour discuter de la conversion écologique de l’économie et de l’établissement d’une Agence québécoise de développement international.

Ces deux sujets représentent une opportunité pour le mouvement coopératif de se positionner politiquement sur des questions socialement déterminantes. Mais, comme nous le rappelle Louis Favreau, pour que le progrès social se concrétise, il faut que tout le monde s’investisse dans le débat entourant ces nouveaux projets de société.

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Louis Favreau est professeur de sociologie à l’Université du Québec en Outaouais. Ses travaux de recherche se penchent sur la question de l’économie sociale et du mouvement coopératif dans le contexte de la mondialisation économique. Il est un collaborateur de longue date avec le Conseil québécois de la coopération ainsi qu’avec l’Alliance de recherche Université-Communauté – Développement Territorial et Coopération. Il a récemment signé Mouvement coopératif, une mise en perspective (2010) et Économie et société, pistes de sortie de crise (2011) avec Ernesto Molina, tous deux publiés aux Presses de l’Université du Québec.