La Coalition Saint-Laurent réclame un moratoire sur l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures dans le golfe du Saint-Laurent. Un temps de précaution nécessaire pour que toutes les évaluations et les consultations publiques soient effectuées avant que la décision soit prise d’implanter ou non cette nouvelle industrie d’exploitation d’hydrocarbures. Ses membres se sont déplacés à Montréal pour faire connaître leurs actions et leur mandat. L’étoile de mer de leurs drapeaux a flotté au-dessus du cortège, en tête de la manifestation du 22 avril.

«Les populations des grands centres urbains sont surtout mobilisées par ce qui se passe dans leur cour, comme les gaz de schiste. Nous sommes là pour dire que le golfe est précieux pour tous les Québécois et pas seulement pour les cinq provinces qui le bordent, et nous leur demandons d’être à nos côtés», explique Danielle Giroux, porte-parole de la Coalition Saint-Laurent qui s’est créée il y a un an et demi et regroupe aujourd’hui 80 organismes et 3500 personnes.

Tous les Québécois sont concernés par les impacts possibles de cette industrie sur l’environnement et l’écosystème du golfe, ainsi que sur la vie des communautés côtières, même si le golfe est loin et mal connu, s’inquiète la coalition. Une marée noire comme celle provoquée par l’explosion de la plateforme Deepwater serait désastreuse dans cette mer semi-fermée aux rives très peuplées et bien plus petite que le golfe du Mexique.

Le dossier est rendu d’autant plus complexe qu’il se focalise sur le premier projet d’implantation de plateforme sur le gisement Old Harry situé à 80 km au nord des îles de la Madeleine, à cheval sur la frontière entre les provinces de Québec et de Terre-Neuve-et-Labrador dont les juridictions dans ce domaine sont chapeautées par le gouvernement fédéral. Le sous-sol marin du Saint-Laurent recélant une multitude de gisements potentiels, l’exploitation et les forages pourraient se développer dans le golfe si on ouvrait la porte sans demander de laissez-passer. L’enjeu se situe bien à ce niveau-là. «On doit donner le choix aux cinq provinces et la gestion du golfe doit être intégrée, car les écosystèmes n’ont pas de frontière, poursuit Danielle Giroux. On est tous des voisins et on doit partager les risques si une province commence à forer».

L’engagement collectif influence les processus

Au Québec, un moratoire a été mis en place depuis 2009 jusqu’à fin 2012 et l’Evaluation environnementale stratégique (EES 2) doit rendre son rapport final à l’automne prochain. Quand le gouvernement québécois a décrété en septembre 2010 l’interdiction de toute activité d’exploration et d’exploitation pétrolière dans le fleuve et l’estuaire du Saint-Laurent, c’est parce que le milieu naturel a été considéré «complexe et fragile». Une victoire que revendique la Coalition avec des groupes et des municipalités. «On a fait valoir nos points de vue à la Commission parlementaire. Nos arguments sont étayés par l’expertise des scientifiques. D’ailleurs, la zone protégée a été agrandie de 2500 km2, dépassant l’estuaire pour s’étendre jusqu’à l’ouest de l’île d’Anticosti», explique Sylvain Archambault de la Société pour la nature et les parcs du Canada (SNAP Québec).

La période de consultations publiques d’échanges d’information de l’automne 2011 et du dépôt des mémoires a été prolongée sous la pression des citoyens, des organismes environnementaux et des scientifiques. De grosses lacunes dans les connaissances scientifiques et techniques ont été pointées parmi les résultats préliminaires de l’EES 2. «Il semble que ces premiers résultats montrent qu’on ne soit pas rendu à forer. Le rapport final devra être beaucoup plus complet, ajoute Sylvain Archambault. On a démontré aussi que c’est la totalité du golfe qui est sensible, avec des contraintes géographiques comme les courants marins, et non pas seulement 20 à 30% des zones évaluées comme telles dans l’EES». Il rappelle que seulement 1% du territoire marin au Québec est une aire marine protégée.

Agir au Québec et avec les autres provinces

La Coalition Saint-Laurent demande la tenue de véritables consultations publiques pour que les Québécois donnent leur avis de manière formelle, alors que les précédentes consultations ont été organisées seulement pour des échanges d’informations. «Tant que le premier forage n’est pas fait, le point de non retour n’est pas atteint. Nous continuons à stimuler les actions et les engagements des citoyens pour qu’ils adhèrent à la Coalition par le biais de son site Internet et qu’ils constituent des comités dans leur région», souligne Danielle Giroux.

Les membres de la Coalition rencontrés à Montréal venaient tout juste d’arriver d’une tournée d’une semaine à Terre-Neuve où ils ont rencontré différents acteurs concernés par le sort du golfe, afin de partager leurs connaissances et leurs outils. Là-bas, une EES va bientôt débuter, des recommandations et des demandes ont déjà été émises.