Hiver 2012. Assise à son bureau devant une pile de papier, Florence Ferraris examine son agenda, recrue. Entre deux corrections d’articles pour le journal étudiant où elle gagne son pain, un tournage pour le Triathlon du français et un travail de mi-session, elle tente de vendre ses propres articles. Aujourd’hui diplômée, elle estime que ce n’est pas toujours facile de faire de la pige lorsqu’on est étudiant.

«Ce n’est pas si compliqué de trouver des bons sujets, avance la jeune femme. Ce qui est difficile, c’est de trouver du temps et d’avoir le guts de se lancer.» Florence Ferraris a trouvé le guts à sa dernière année au baccalauréat en journalisme à l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Elle a fait de la couverture d’évènements pour le site AOL et publié quelques articles au magazine L’Itinéraire.

Son confrère de l’Université Laval à Québec, Mathieu Massé, juge pour sa part qu’il y aura toujours de la place pour de «bons journalistes». «Il n’y a pas réellement d’obstacle à la pige étudiante, croit-il. Si tu es débrouillard, c’est certain que tu vas trouver des contrats.»  À ses yeux, le plus important est de se faire des contacts dans le milieu, que ce soit à Québec, à Montréal ou en région. Si se bâtir un réseau de contacts peut paraître difficile pour certains étudiants, les stages dans un média peuvent s’avérer une bonne façon de «mettre le pied dans la place», soutient quant à elle Florence Ferraris.

Pas de quoi faire la piasse

À Montréal, le magazine l’Itinéraire ouvre toutes grandes les portes de sa salle de rédaction aux étudiants en journalisme. Depuis deux ans cependant, ni les stages ni la pige n’y sont rémunérés. «Les médias qui utilisent les étudiants pour remplir leurs pages sans les payer, je trouve ça un peu poche», déplore Florence Ferraris. Le rédacteur en chef du bimensuel, Jérôme Savary, explique que les restrictions budgétaires ont eu raison de la rétribution des collaborateurs. Si elle n’a pas reçu une pièce pour les articles qu’elle a publiés dans le magazine, la diplômée de l’UQAM convient que l’expérience paraît bien dans son curriculum vitae.

Rémunérés ou non, les contrats de pige sont profitables, selon le professeur de l’École des médias de l’UQAM, Jean-Hugues Roy.  «Hormis l’expérience et le chèque, un étudiant qui pige dès ses années à l’université montre qu’il est débrouillard», note-t-il. À ses yeux, les étudiants qui font de la pige sont ceux qui, habituellement, réussissent à faire carrière dans le métier.

Pige 101

La plupart des écoles de journalisme au Québec n’ont pas de cours spécifiquement consacrés au journalisme indépendant. Pour Jean-Hugues Roy, ces cours ne seraient pas nécessaires. «Le programme de médecine a-t-il un cours ‘’Bureau de médecin 101’’? Le programme de droit a-t-il un cours ‘’Cabinet d’avocats pour les nuls’’?» Rappelant que le travail autonome n’est pas propre au journalisme, il explique que la pige s’apprend plutôt petit à petit. «C’est ainsi que je vais régulièrement, dans mes cours, saupoudrer des notions de pige. J’indique à mes étudiants, par exemple, quelles dépenses ils peuvent déduire sur leur rapport d’impôt», illustre-t-il.

Beaucoup d’écoles de journalisme ont déjà subi des changements ou prévoient certaines modifications à leur programme. À l’Université Laval par exemple, après une refonte complète du bac en communication publique, la formation est désormais plus concrète et, selon l’étudiant en troisième année Mathieu Massé, cela permet de se familiariser davantage avec le métier de pigiste. Idem à l’UQAM où, dès l’an prochain, des stages en journalisme indépendant seront possibles. Un des nouveaux cours offerts comprendra également des notions sur le marché de la pige.

Florence Ferraris est aujourd’hui surnuméraire au quotidien Le Devoir et occupe un poste de commis à la rédaction. Dernièrement, elle a eu le guts de présenter des synopsis à ses collègues. Son bac terminé, elle aura finalement eu le temps de faire la pige.