La création de Nunavut a fait les manchettes autour du monde. L’accord créé en 1993 entre le Canada et les Inuits du Nord canadien a établi un nouveau territoire couvrant 2 millions de kilomètres carrés – un cinquième du Canada. Il était destiné à montrer que le traitement du Canada envers les peuples indigènes prendrait un nouveau tournant.

Cet accord aura vingt ans cette semaine, faisant du Nunavut un site où mijote un conflit qui pourrait endommager les revendications du Canada sur l’Arctique, mettre en question le statut légal de milliards de dollars d’extraction de ressources naturelles et enflammer le conflit social avec une population qui normalement est l’un des groupes les plus patriotiques du pays.

Tout au long de l’histoire du Canada, les prétendus explorateurs qui s’aventuraient dans le Grand Nord se rendaient compte rapidement qu’ils ne pouvaient pas survivre longtemps sans l’aide des Inuits. Habitant dans des camps nomades depuis l’Arctique russe jusqu’en Alaska, à travers le Canada jusqu’au Groenland, cette remarquable civilisation a prospéré pendant des millénaires dans un des environnements de la planète les plus difficiles à vivre physiquement. La coopération, la chasse et une observation soutenue des terres, des glaces et des mers sont essentielles à la culture inuite.

Dans années 1950, le gouvernement canadien força ce peuple autonome et autogouverné à la dépendance et à la soumission. Les enfants inuits ont été envoyés de force dans des internats, les mettant fréquemment en situation de subir des abus physiques et sexuels. Les familles furent dirigées comme un troupeau dans des colonies ou relocalisées au loin avec des promesses ou par coercition. Leurs meutes de chiens furent exterminées et les outils essentiels à leur style de vie détruits, éliminant ainsi leur moyens de survie.

La plus importante revendication autochtone pour leurs terres de l’histoire était sensée créer un nouveau début. Les Inuits ont abandonné leur titre aborigène garanti par la Constitution et le Canada ont acquis des droits pour l’extraction des ressources.

Le Canada accepta de financer une panoplie de programmes de formation et d’investir dans l’éducation nécessaire pour mettre sur pied une autogouvernance efficace. Mais après avoir eu ce qu’il voulait, le Canada manqua à ses obligations.

Le Canada a quitté la table de négociations et ignoré les recomandations d’un conciliateur. En 2006, les Inuits en ont eu assez, et leur organisme gouvernant, le Nunavut Tungavik Inc. (NTI) poursuivit le Canada pour un milliard de dollars en dommages pour non exécution. La troisième période de dix ans de l’accord commence le 9 juillet et le Canada n’a toujours pas nommé de négociateur.

Les conséquences résultant de la négligence du Canada sont bien documentées et dévastatrices. Alors qu’un petit groupe d’Inuits bénéficient de postes gouvernementaux, la vaste majorité vit dans la pauvreté dans des habitations surpeuplées. Plus de la moitié ne peut pas se permettre d’acheter assez de nourriture. Les taux élevés d’abus d’alcool et de drogues créent des dégâts dans les communautés.

«Nous subventionnons la souveraineté canadienne de l’Arctique avec notre désespoir.» C’est comme ça que Kowesa Etitiq, un bénéficiaire inuk ayant de l’expérience dans le gouvernement, décrit la situation lors d’une entrevue recemment.

La plupart des postes gouvernementaux sont occupés par des non Inuits. Beaucoup d’entre eux sont là temporairement pour des raisons d’avancement de carrière ou pour les salaires élevés. Une étude a estimé que les coûts directement encourus par le Nunavut, parce que les clauses de l’accord établissant l’embauche proportionnelle des Inuits dans les postes gouvernementaux n’ont pas été honorées, leur reviennent à plus de 137 millions de dollars annuellement. Par contre, le gouvernement canadien a dépensé 50 millions de dollars au cours des vingt dernières années pour mettre en place l’embauche des Inuits.

Les coûts se mesurent également en termes de vie humaine. La longévité au Nunavut est raccourcie de dix ans par rapport à celle du reste du Canada, ce qui le rapproche plus du Népal et de la Mongolie que de la Nouvelle-Écosse ou du Manitoba.

Les actions du Canada sont immorales, mais ces actions pourraient nuire même aux intérêts étroitement conçus du gouvernement.

Terry Fenge, un ancien négociateur, a soutenu récemment que la négligence du Canada vis-à-vis de l’accord «pourrait inciter les spectateurs à suggérer que le gouvernement du Canada a effectivement répudié l’accord, stimulant possiblement un débat sur la possibilité des Inuits…de l’annuler et de reprendre leur titre aborigène.»

Si le litige et la diplomacie internationale rattrappent les évasions du Canada, des projets tel que la découverte de la plus grande source de minerai de fer au monde, la mine de l’Île de Baffin, estimé à 23$ billion (14bn) appartenant à l’homme le plus riche de la Grance Bretagne, Lakshmi Mittal, pourrait se retrouver légalement bredouille.

Le problème avec la souveraineté de l’arctique, une priorité vantée par le gouvernement du Parti conservateur canadien, est que la réquisition historique du Canada sur l’arctique se base sur l’utilisation et l’occupation Inuit.

Est-ce que la Chine et les États Unis, qui tous deux s’intéressent au voies naviguables qui s’ouvrent de plus en plus avec la fonte des glaces de l’arctique, vont-ils pousser leur avantage? La Russie va-t-elle utiliser à son avantage la maltraitance du Canada envers les Inuits pour augmenter son accès à l’huile et au pétrole de l’arctique? Le temps nous en dira plus, mais la conduite que démontre le Canada présentement est certainement risquée.

Le Canada fera face à la dissension accrue de Nunavut même. Les valeurs innées de consensus et de coopération leur a donnéune réputation d’être des négotiateurs tranquilles et consentants, mais ceci semble vouloir changer.

“Protestation,” a prononcé le fondateur de la négotiation de Nunavut, John Anagoalik, quand on lui a demandé ce qu’il pourrait arriver si l’intransigence du Canada continuait sans répit. “Je crois que l’on appelle cela de l’obstruction.” Amagoalik est en faveur d’une approche patiente et espère toujours que le Canada changera de trajectoire. Mais il ajoute, “Nous ne sommes pas aussi timide que nous l’avons déjà été.”

D’autres sont moins patients, “Peut-être est-ce une opportunité de négotier une nouvelle entente,” propose Etitiq. “Pas nécessairement avec le Canada; nous devons voir qu’elles seraient les options.”

Bien des Inuits hésiteraient devant la suggestion d’Etitiq, mais si le Canada continue sur la voie qu’elle suit présentement, d’examiner quel accord serait possible, disons, ce que la Chine serait prète à offrir, deviendrait possiblement plus intéressant.

“Tu vas ressentir la frustration qui vient d’une entente qui n’a pas été honoré quand tu habite à côté d’une mine d’un billion de dollars,” ajouta Etitiq.

Traduction: Jane Marenghi