Alors que quelques climato sceptiques se demandent si les changements climatiques sont bien réels, les communautés autochtones, les chercheurs et les écologistes s’organisent pour mettre en œuvre des solutions locales. Les 25 et 26 février dernier avait lieu à Québec un Forum sur l’Adaptation aux changements climatiques par les Premières Nations, visant à créer un lieu de rencontre favorable au dialogue et à la recherche de solutions. L’événement était organisé par l’Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique et l’Institut de développement durable des Premières Nations du Québec et du Labrador.

Selon Catherine Béland, chargée de projet en développement durable à l’Institut de développement durable des Premières Nations du Québec et du Labrador(IDDPNQL), bien que tout le monde soit concerné par le climat, les autochtones sont les plus vulnérables: «Les Premières Nations sont parmi les premières touchées, parce qu’elles occupent le territoire, qu’elles l’utilisent pour leurs activités, parce qu’elles en vivent et qu’il fait partie de leur identité. La question qui les intéresse est de savoir comment on planifie l’adaptation.»

L’adaptation au climat : une priorité parmi tant d’autres
Selon Michaël Ross, coordonnateur de l’IDDPNQL, ce n’est pas tant l’ignorance du phénomène climatique qu’une question de gestion de priorités, qui retarde la mise en œuvre de politiques d’adaptation: «Les changements climatiques, bien qu’ils soient observés, ne sont pas toujours une priorité, car il y a les enjeux de santé, de sécurité et des enjeux économiques qui sont plus urgents encore. Mais aujourd’hui, nous faisons face à des situations qui demandent notre attention et qui ne peuvent plus être ignorées. J’ai un ami Cri qui me racontait qu’un de nos aînés connaissait le lac comme le fond de sa poche et mettait en garde les gens de passer à un certain endroit, plus dangereux. Récemment, il est passé à travers la glace avec sa motoneige et en est décédé». Ce genre de situation se produit de plus en plus souvent, un signal d’alarme qui stimule une réponse rapide de la part des gestionnaires et leaders autochtones. L’organisation d’un forum est une première étape visant à mettre en relation des spécialistes avec des gestionnaires de communauté pour qu’en émerge une collaboration.

Cependant, André Bélisle,président de l’Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA),souhaite davantage que des discussions: «Cet événement est quelque chose que j’ai souhaité depuis tellement longtemps, pour qu’on puisse parler ensemble de vrais enjeux avec des scientifiques qui ont démontré la grande qualité de leurs recherches, mais en même temps, qu’on en vienne à agir», a-t-il affirmé en conclusion de l’événement. Pour ce faire, il a assuré l’assistance de la collaboration de l’AQLPA dans la mise en place de projets, tant au niveau de la recherche de financement que de l’accompagnement afin de trouver des partenaires.

«Les maisons qui tombent» ou le développement des communautés
Consultante en environnement au Consortium sur la climatologie régionale et l’adaptation aux changements climatiques OURANOS, Ursule Boyer-Villemaire a démontré dans une recherche sur l’érosion des berges dans la Baie des chaleurs que certaines politiques nuisent même à l’adaptation. «La politique du Ministère de l’environnement du Québec (Politique de protection des rives et du littoral) est la même autant pour les lacs que pour le bord du fleuve. Elle exige que les maisons soient construites à une distance de 5 à 10 mètre de la berge. Or, le long du fleuve, il y a des épisodes de tempête qui favorisent l’érosion de la berge jusqu’à plus de 10 mètres. La politique est donc déconnectée de la variabilité naturelle des côtes sur le territoire», conclue-t-elle. Un autre aspect qui rend difficile l’adaptation des maisons à l’érosion est que les propriétaires de maison qui vivent sur les bords de mer sont responsables individuellement de se munir de murets pour protéger leur berge, avec les matériaux qu’ils préfèrent : ce peut être du bois, des pierres ou autre. Pour mieux prévenir le phénomène d’érosion, il faudrait que la politique «tienne compte de toute l’unité côtière homogène, un peu comme la politique de gestion des bassins versants». Mme Boyer-Villemaire place le cadre de réflexion comme suit : «La décision que doivent prendre les gestionnaires consiste soit à gérer les dommages directs, les risques à la sécurité (les maisons qui tombent) ou à élargir leur intention de gestion à la qualité de vie et au développement des communautés, en intégrant la gestion du risque».