À l’approche de Noël, tu appréhendes la conversation pénible avec ce mononcle qui prend souvent un verre de trop. L’an dernier, il t’avait engueulée parce que tu veux sauver la planète. D’abord amical, il t’avait gentiment traitée d’idéaliste. Puis il était devenu condescendant: «Vous autres, les jeunes, vous croyez pouvoir tout changer, mais garder votre iPhone!» Enfin, il s’était emballé, t’accusant de vouloir bloquer tous les projets: l’emploi, la croissance, la technologie qui peut nous sauver… La tante s’en était aussi mêlée et le conflit de canard était passé de travers. Bref, l’hystérie.

Il faut le comprendre: ton oncle est en deuil. Il sait, dans son for intérieur, qu’il devra renoncer, peut-être avant sa mort, aux privilèges fabuleux qu’offre son mode de vie.

Fini le transport confortable en Audi vers le dépanneur les dimanches matin quand il manque de lait. Fini le légume fluo pas cher et si parfait. Fini le voyage dans le sud dans un tout inclus. Fini le tourisme dans la belle et grandiose Europe. Fini les croisières. Fini la télé 87 pouces à payer dans deux ans. Fini, peut-être même, le burger du vendredi.

Ton oncle sait tout ça, même si la télévision le bombarde d’apathie chaque jour. Même si, dans le fond, la source du problème est surtout dans ces grandes compagnies qui dominent le monde. Même s’il se sent impuissant face à tout ça, il a un rôle à jouer, il a quelque chose à perdre. Il le sait, mais il ne se l’avouait pas encore. Il était dans sa phase de déni.

Le deuil, c’est cinq étapes qui ne sont pas comme les 36 paiements faciles d’un cinéma maison. C’est pénible et douloureux. D’abord le déni, ensuite la colère, puis la tristesse, la négociation et l’acceptation – certaines sources les placent dans un autre ordre, et il y en a parfois sept, mais pour ton oncle, disons qu’il y aura ces cinq étapes.

Ta conversation passionnée de l’an passé a fait passer ton oncle à la deuxième étape: la colère. C’est toi qui étais en face de lui et tu as mangé la claque. Maintenant, tu n’as plus envie de lui parler. C’est normal. Mais au fond de toi-même, une foi en l’humanité t’anime et tu aimerais voir ton oncle évoluer.

Ton oncle, comme beaucoup de gens, a besoin qu’on l’accompagne dans son deuil. Il est fort possible qu’en abordant le sujet cette année, tu te rendes compte qu’au lieu de se choquer, il ne dit rien, prenant un air mélancolique et mal à l’aise. Bon signe: il sera au stade de la tristesse!

Il sera sur la bonne voie, il faut l’encourager! Pourquoi ne pas alors lui poser des questions sur ce qu’il a fait pendant l’année, comment il s’est senti, quels sont ses projets, ses défis, les trucs qui l’ont fait suer. Les gens tristes ont parfois besoin de parler.

Il se plaindra alors de plein d’embêtements et il pourrait bien te confier ses inquiétudes. L’hypothèque, l’incertitude qui plane sur les fonds de pension, les taux d’intérêt, le chiro, la hausse des prix de l’essence, des légumes et du bœuf haché… toutes ces choses sur lesquelles il croit n’avoir aucun contrôle. Quelle belle occasion de le questionner sur ce qu’il fera pour s’en sortir!

En si bon chemin, il pourrait bien atteindre le stade de la négociation: «si je remplace mon VUS par une voiture hybride, est-ce que je peux continuer à faire du quatre roues dans le bois pendant la saison de la chasse?». À ce stade, il a besoin d’exemples, d’inspiration. C’est le temps de lui parler de gens comme lui qui ont transformé leur mode de vie. Et des exemples, il y en a plein!

Ainsi, grâce à ton aide, ton oncle pourra atteindre la vie après le deuil: l’acceptation.

Et il pourra vivre heureux parmi ses nombreux enfants et petits enfants, qui auront plus d’espoir en l’avenir. Ils pourront y travailler ensemble.

N’est-ce pas justement ça, l’esprit de Noël?