Le 21 février dernier, l’Assemblée nationale adoptait une motion reconnaissant l’importance du modèle coopératif pour le développement de la société québécoise. Après le dépôt du budget Bachand, mardi dernier, le journal Ensemble a discuté avec Hélène Simard, présidente-directrice générale du Conseil québécois de la coopération et de la mutualité (CQCM), pour prendre le pouls du mouvement coopératif et connaître ses réactions face aux annonces du ministre des Finances.

Pascale Charlebois, journal Ensemble: Comment le mouvement coopératif réagit-il à ce budget? Est-il fidèle à la motion votée par l’Assemblée nationale?

Hélène Simard, CQCM: L’un des points importants de l’Année internationale des coopératives, que ce soit dans la recommandation de l’ONU ou dans la déclaration proposée par nous et appuyée par l’Assemblée nationale, c’est d’envoyer le message à la société qu’il faut reconnaître le travail des coopératives et leur contribution au développement social et économique.

Le budget, par la place qu’il fait aux coopératives dans le développement du Québec, est extrêmement intéressant de ce côté-là. On reconnaît le modèle coopératif de façon claire et précise, on indique que c’est un modèle qui est résilient, qui a un bon taux de survie, qui fait partie des acteurs économiques du Québec et que le gouvernement prévoit le soutenir. Donc ça, c’est un facteur important pour nous.

P.C.: Est-ce que les moyens financiers accordés par le budget sont suffisants pour soutenir le mouvement coopératif?

H.S.: Dans ce qui faisait partie des actions prioritaires qu’on avait proposées au gouvernement pour 2012, il y avait deux mesures de nature fiscale qui ont été adoptées. L’une permet aux membres des coopératives de producteurs ou de travailleurs de laisser leurs ristournes dans l’entreprise et de n’être imposés que lorsqu’ils choisiront de retirer cette somme de l’entreprise. On encourage donc les membres à laisser leur argent dans la coopérative, ce qui permet de bien la capitaliser. C’est une mesure qui est très favorable au développement des entreprises, parce que pour une coopérative, la meilleure façon de capitaliser, c’est par ses membres. Cela lui permet aussi de garder le maximum de contrôle et de capacité d’actions.

La deuxième mesure, on travaille dessus depuis plusieurs années. Il y a déjà eu un moratoire sur le régime d’investissement coopératif (RIC) que l’on avait fait lever. Cependant, une exception avait été faite pour les coopératives de travailleurs actionnaires (CTA) qui rendait difficile la possibilité pour celles-ci de recourir au RIC pour se capitaliser. Maintenant, la définition de coopérative admissible sera modifiée pour que le critère relatif aux taux de capitalisation s’applique aussi à l’égard de toute CT, à l’exception d’une coopérative dont la majorité des travailleurs sont saisonniers. C’est bien, parce qu’en ce moment, on a intérêt à stimuler la participation des travailleurs via les CTA et l’on voit que c’est un modèle extrêmement positif en terme de pérennité des entreprises, on est donc très heureux d’avoir réussi à lever cette limite fiscale.

Le troisième volet intéressant, c’est le fonds de co-investissement coop, qui est aussi un projet sur lequel on travaille depuis quelques années. Il fait partie de la vision 2020 du mouvement coopératif. Ce qu’on souhaitait surtout c’est qu’il y ait une meilleure compréhension de la dynamique coopérative de la part des investisseurs et que le mouvement coop ait des fonds pour faire du développement coopératif en partenariat avec les autres acteurs, les autres fonds d’investissement.

En somme, dans un budget très prudent en terme de dépenses, je pense qu’on démontre que les coopératives font partie des solutions et non pas des problèmes. C’est un pas intéressant axé sur l’investissement et qui répond aux attentes du milieu coopératif dans ce domaine-là. Maintenant, il y a d’autres éléments qui doivent continuer d’être travaillés, que ce soit dans les services à domicile, le logement, les forêts… Il y a d’autres aspects sur lesquels il faut encore obtenir des reconnaissances et des engagements.  

P.C.: Y a-t-il des attentes du mouvement coopératif auxquelles le budget n’a pas répondu?

H.S.: On fait partie d’une coalition qui supporte le développement du secteur de l’habitation communautaire et dans laquelle il y a des habitations sociales de différentes formes, dont les coopératives d’habitation qui sont admissibles à des programmes comme Accès Logis. Il y a longtemps qu’on demande des engagements pluriannuels, parce que c’est du développement et qu’on ne peut pas commencer à construire la journée où les sous arrivent. Il faut planifier, former des groupes, développer des projets avec des architectes.

Il y avait eu des engagements pour aller jusqu’à 3000 logements. Là, ce qu’on comprend, c’est que le gouvernement en donne 1300 dans la forme habituelle, 200 dans une nouvelle approche impliquant des organismes comme la fiducie du Chantier, et 500 qui sont sous forme de logements abordables avec entreprises privées. Il y a le fait aussi que l’engagement ne soit pas pluriannuel, ce qui risque d’avoir un effet sur le potentiel de développement à plus long terme.

L’autre chose qu’il faudra observer, c’est le projet pilote qui est proposé: est-ce qu’il pourra s’actualiser rapidement? Est-ce qu’il pourra donner des résultats efficaces, utiles? Pour le milieu du logement communautaire, c’est clair qu’il y a une perte de 500 unités et ça c’est inquiétant. Il y a clairement un manque à gagner par rapport au potentiel. Les gens du logement communautaire me disent qu’il y a énormément de projets, des unités déjà attribuées par le programme, qui sont actuellement en attente. Et là, ce qu’on apprend, c’est que le programme ne sera pas à la hauteur.