«C’est toute la politique gouvernementale basée sur le principe de l’utilisateur payeur qui est en toile de fond dans ce débat. C’est notre modèle de développement social et économique ainsi que la place des services publics qui sont questionnés et qui constituent le réel enjeu social.» Ces paroles de Denis Létourneux, vice-président de la vie politique de la Fédération autonome de l’enseignement, expriment l’essentiel du message qu’une grande partie des manifestants rassemblés aux portes du conseil général du Parti libéral a voulu faire passer vendredi à Victoriaville.

Les affrontements violents diffusés par l’ensemble des médias de masse ont toutefois eu l’effet d’occulter les raisons pour lesquelles quelques milliers de manifestants de plusieurs régions du Québec se sont déplacés vendredi à Victoriaville. C’est pour une multitude de motifs que des personnes de toutes les tranches d’âge ont décidé de braver la pluie et les gaz lacrymogènes pour s’exprimer le 4 mai devant l’Hôtel le Victorin où se tenait le congrès général du Parti libéral du Québec.

Les cégépiens et étudiants universitaires étaient nombreux. Mais c’est aussi une myriade d’organisations communautaires, environnementales et d’associations professionnelles et syndicales qui ont répondu à l’appel de la Coalition opposée à la tarification et à la privatisation des services publics, organisatrice de l’événement. Des personnes à titre individuel, des familles, des retraités ainsi que des résidents de Victoriaville étaient aussi au rendez-vous pour exprimer leur colère, leur frustration et leur ras-le-bol face aux politiques, décisions et orientations idéologiques du gouvernement libéral.

Au-delà de l’éducation: un ensemble d’enjeux sociétaux

Les nombreux enseignants sur place ont tenu à rappeler que les récents assauts contre l’accessibilité à l’éducation s’inscrivent dans une mouvance néolibérale qui vise également à démanteler d’autres biens publics et acquis sociaux.

«Les étudiants ont compris que leur bataille allait plus loin que la hausse des droits de scolarité. C’est une bataille large, idéologique, parce qu’elle interpelle la gestion des universités et remet en question une vision marchande de l’éducation ainsi que des finances publiques. La taxe-santé, la hausse annoncée des tarifs d’Hydro-Québec, la hausse des frais de scolarité sont toutes des façons de déboulonner petit à petit un système social qui avait un peu de sens. Mais ce n’est pas parce qu’on le démantèle pièce par pièce que ça ne s’appelle pas du saccage!». C’est ainsi que Jean Trudelle de la Fédération nationale des enseignants du Québec résume la problématique.

«Monsieur Charest, implore-t-il sous les applaudissements de plusieurs manifestants, arrêtez d’écouter les recteurs, les ‘glucides’ (sic) de la planète, les chambres de commerce. Écoutez le monde ordinaire, la communauté universitaire, la rue, les étudiants. C’est eux qui ont raison.»

C’est pour ces mêmes raisons – et en soulignant leur idéal, celui de la gratuité scolaire du préscolaire jusqu’à l’université – que les membres de la Fédération autonome de l’enseignement (FAE) ont affirmé être présents. Le porte-parole Pierre Saint-Germain a indiqué que la fédération s’oppose aussi aux «politiques de plus en plus régressives du gouvernement libéral qui attaquent les plus démunis et la classe moyenne». Par ailleurs, la FAE a dénoncé l’attitude de l’actuel gouvernement libéral qui «fait la sourde oreille à la population et fait preuve d’une arrogance jamais vue au Québec à l’endroit des étudiants et de la population en général».

Accessibilité aux services essentiels et aux programmes sociaux

Ève-Marie Lacasse, porte-parole de la Fédération des femmes du Québec, a rappelé que ce sont les femmes qui sont les plus touchées par les mesures de tarification et de privatisation des services publics. «L’érosion des programmes publics et des services sociaux fait que les femmes sont de plus en plus appelées à remplacer les services de l’État au détriment de leur liberté, de leur santé et de leur autonomie économique.»

«Le gouvernement demande aux étudiants et aux citoyens de faire leur juste part, mais les riches et les grandes entreprises ne la font pas leur juste part» déplore quant à elle Véronique Laflamme, porte-parole du Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU).

«Nous appuyons les étudiants, c’est un choix de société qui doit être fait», croit Sylvain Lamotte, ce père de quatre enfants qui marche pour la cause du logement social sous la bannière du FRAPRU. Il rappelle que l’évasion fiscale des grandes compagnies cause des pertes de milliards de dollars en impôts qui peuvent être investis en santé et en éducation.

Contre les projets d’énergie éolienne

«On se joint aux étudiants pour exprimer un vent de colère», explique pour sa part le cinéaste Jean Gagné venu dénoncer les parcs éoliens mis en place sans tenir compte de la volonté de la population. Le co-auteur du documentaire «Les pales du mal, un parcours citoyen» affirme que ces projets créent de l’énergie chère dont le Québec n’a pas besoin et qu’ils constituent donc un gaspillage de fonds ainsi qu’un «désastre qui sera épongé par la société entière».

Yvon Bourque, résident de Sainte-Sophie-d’Halifax et membre du Regroupement pour le développement durable des Appalaches l’accompagnait pour dénoncer les impacts humains, économiques et environnementaux du Parc éolien de l’Érable sur la vie des résidents.

Bref, outre l’appui général à la cause étudiante, c’est une diversité de motifs et de revendications qui justifiaient la présence des manifestants. Le dénominateur commun: un profond mécontentement face au gouvernement libéral du premier ministre Jean Charest et à sa mauvaise gestion de nombreux dossiers allant du Plan Nord à la crise étudiante, en passant par le manque de transparence et la corruption qui caractérisent le bilan de ses neuf années au pouvoir.