Habituellement, on reconnaît le bon travail d’un organisme de développement international au fait que ses partenaires n’aient plus besoin de lui. Mais lorsqu’un groupe d’aide internationale devient le client des personnes qu’il soutient, la réussite du projet est incontestable. C’est précisément ce qui est arrivé à SOCODEVI, un organisme à but non lucratif créé par un réseau de coops (pour la plupart québécoises), au terme de plus de trois ans de travail auprès d’un groupe de coopératives laitières au Paraguay.

Le projet consistait à jumeler des experts en production laitière de Agropur, l’incontournable coopérative laitière du Québec, avec des travailleurs actifs dans la production et la distribution laitière au Paraguay, à un moment où les travailleurs cherchaient à accroître la portée des coopératives et à moderniser la production. Lorsque le projet, mené  de concert avec l’Agence canadienne de développement international, a pris fin, les coops appréciaient tellement le travail de SOCODEVI qu’elles ont décidé embaucher l’organisme afin de poursuivre une partie du travail entrepris.

«Nous sommes très fiers», raconte Richard Lacasse, directeur du programme international de SOCODEVI. «C’est la preuve que l’expertise technique que nous avons partagée a été bien reçue, et maintenant, ils sont prêts à payer pour nos services. Pour un ONG, c’est hors du commun.»

Également connue sous le nom de Société de coopération pour le développement international, SOCODEVI est un OBNL soutenu par 26 coopératives et mutuelles de divers secteurs, dont l’agroalimentaire, la foresterie, l’assurance et la finance. En plus des 28 employés québécois, l’organisme emploie une soixantaine de personnes à l’étranger et compte sur le travail bénévole effectué par des experts membres du réseau. Les coops membres offrent des ressources, de l’expertise et du temps en soutien à des projets en Asie, en Afrique et dans les Amériques.

«Nous sommes une ONG bien spéciale», observe M. Lacasse lors d’une entrevue téléphonique avec le journal Ensemble. «Tous nos membres cherchent réellement à inter-coopérer. Ils vivent cette philosophie au quotidien.»

L’organisme a été fondé en tant qu’OBNL en 1958, à une époque où la loi, au Québec, ne permettait pas la création de coopératives formées d’autres coopératives. SOCODEVI a travaillé avec plus de 650 organismes partenaires dans 40 pays, s’inspirant de l’important savoir-faire du Québec en matière de coopératives comme moteur de changement social et économique. Tandis que plusieurs voient les coops comme un phénomène hyperlocal, SOCODEVI est convaincue qu’en rassemblant les coopératives, il est possible d’accroître leur portée et améliorer leur performance.

«En plus d’être un modèle d’affaires, le modèle coopératif est un modèle social», explique M. Lacasse. «Une coop peut être très petite et répondre aux besoins économiques et aux besoins des gens. Mais elle peut également grandir et devenir une véritable entreprise performante qui appartient aux gens et qui répond adéquatement à leurs problèmes sociaux et économiques…Une entreprise communautaire doit résoudre les problèmes socioéconomiques à l’échelle locale, mais une fois que c’est fait, on peut passer à autre chose. On peut influencer le marché, les prix et les produits.»

Un des derniers projets de SOCODEVI est la création d’un réseau Nord-Sud de coopératives agroalimentaires qui bénéficient des relations d’affaires qu’elles entretiennent entre elles et qui leur permettent d’accéder à des produits et services là où ils sont moins dispendieux. Au Guatemala, un petit réseau aide à relier 34 coopératives de produits agricoles comme le café, le thé et la cardamone.

«Une seule coop réussirait peut-être à vendre du café à un distributeur, mais en étant regroupées, les coops acquièrent une expertise et un pouvoir de négociation», note M. Lacasse. «L’exportation, c’est très compliqué…Une petite coop dans une petite région ne peut pas être compétitive sur le marché international, à moins qu’elle n’ait un créneau bien précis.»

Lorsqu’on lui demande combien d’argent la structure unique de SOCODEVI alloue directement à des projets de développement (plutôt qu’à la bureaucratie), M. Lacasse évite de mentionner des chiffres précis. Il affirme plutôt que le travail de SOCODEVI n’est pas donné, mais qu’il a des résultats tangibles.

«C’est très facile d’envoyer un chèque au Sud», dit-il. «Si le but de l’organisme est d’envoyer des biens relatifs à la sécurité alimentaires, c’est assez facile. Il suffit de faire un chèque à la Commission canadienne du blé et ils envoient quelque chose au Soudan… Notre organisme envoie de l’expertise. Vous devez payer les billets d’avion et autres dépenses du genre.»

Qu’en retirent les membres de SOCODEVI? Le fait de voir un petit groupe de travailleurs transformer une coop en entreprise prospère est une énorme récompense pour toutes les personnes impliquées, selon M. Lacasse. Il ajoute toutefois que pour bien des compagnies membres, la participation à ces projets contribue également au développement professionnel.

«Elles voient en ces projets l’occasion pour leurs employés de s’ouvrir l’esprit», raconte-t-il. C’est fort intéressant. Ces coopératives et sociétés sont en compétition les unes contre les autres au sein du marché québécois, mais chez SOCODEVI, on parle de coopérer pour aider les entreprises du Sud…C’est un honneur de pouvoir y participer et de voir les résultats. »

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Cet article a été traduit en anglais dans le supplément bilingue de notre édition de novembre 2012 sur le Sommet international des coopératives.