Après 20 ans d’absence, le réalisateur Alain Chartrand signe une fiction mélangée de faits vécus et inventés sur la rencontre du jeune Gaspésien Bernard Lortie avec les frères Rose et Francis Simard, trois jeunes idéalistes et indépendantistes radicaux qui tentent dans une bicoque à Percé de convertir du monde à leur cause. Ce clan dont fera partie Lortie surgira de l’ombre un an plus tard pour créer la cellule Chénier du FLQ rendue tristement célèbre par l’enlèvement, la séquestration et l’assassinat du ministre Pierre Laporte.

6 NOVEMBRE 1970.Les premières images du film nous entrainent au 3720, chemin de la Reine-Marie, où se terrent quatre membres de la cellule Chénier du FLQ, rendue tristement célèbre par l’enlèvement, la séquestration et l’assassinat du ministre Pierre Laporte.

La police fait irruption dans l’appartement 11 dans le film (mais il s’agissait du 12, selon certains documents). Paul Rose (Vincent-Guillaume Otis), son frère Jacques (Benoît Langlais) et Francis Simard (Charles-Alexandre Dubé) échappent de justesse à leur arrestation en se cachant derrière une fausse cloison du fond d’un garde-robe. Bernard Lortie (Mikhaïl Ahooja) décide de se sacrifier en se cachant de manière à ce que les policiers puissent le trouver facilement et cesser ainsi de fouiller le reste de l’appartement (ce qui n’est pas tout à fait clair dans le film).

Puis, le film revient un an en arrière, au moment où le jeune Lortie pêche la morue avec son père sur le bateau de son grand-père. Le jeune Gaspésien se retrouve au chômage après la saisie du bateau par la banque. Étant sans le sou et se cherchant du travail à Percé, Lortie rencontre les frères Rose et Simard, trois membres du RIN qui tiennent un café, La Maison du pêcheur, où ils organisent des réunions politiques pour dénoncer le capitalisme, la main-d’œuvre québécoise bon marché et l’exploitation des ouvriers acculés au chômage. Le jeune Lortie n’est pas insensible au discours des jeunes indépendantistes, et se mêle à la clientèle du café-rencontre composée d’une poignée de hippies de passage, dont certains campent sur le terrain. Les activités qui ont lieu durant l’été 1969 dans cette baraque à Percé sèmeront la graine d’où jaillira la cellule Chénier. Cependant, cette « gang de veilleux tard » — avec les filles à moitié nues dansant sur l’herbe et pratiquant l’amour libre, les fumeurs de pot et les gratteux de guitare — dérangent les commerçants et les dirigeants de la petite localité, qui jugent que ces jeunes « crottés » vont nuire au tourisme. Des pompiers tentent de les expulser en les aspergeant à l’aide de boyaux d’arrosage, et des fiers-à-bras mettent le feu aux tentes des campeurs et saccagent l’endroit. À la fin de l’été, le jeune Lortie décidera de faire ses valises pour suivre les frères Rose et Simard à Montréal. On connaît la suite…

Toutes les séquences à Percé ont été tournées en noir et blanc pour conférer une certaine authenticité au village de Percé tel qu’il était à la fin des années 1960. À l’époque, les modestes maisons des pêcheurs étaient construites en bardeaux de couleur grise, délavés avec le temps. De nos jours, leurs propriétaires ont ajouté une touche de beauté, la plupart des bâtiments étant à présent très colorés.

S’il est vrai que des efforts ont été déployés pour rendre le décor le plus fidèle possible, compte tenu de l’époque et du lieu, les trois scénaristes [Jacques Bérubé, Mario Bolduc et Alain Chartrand (réalisateur de Ding et Dong, le film)] se sont d’une manière évidente moins préoccupés de l’authenticité de l’histoire dans leur scénario. Bien qu’ils prétendent s’être inspirés de faits vécus, La Maison du pêcheur ressemble plus à une sauce dans laquelle on a ajouté plusieurs ingrédients pour répondre à une stratégie de marketing. Lortie n’a jamais été le fils d’un pêcheur : il était le fils d’un concierge du cégep de Gaspé. Ce détail est important, car cette fiction a comme toile de fond les conditions difficiles dans lesquelles vivent les pêcheurs. D’ailleurs, l’un des points forts du film est le moment où les jeunes membres du RIN font irruption dans une station de radio locale et où Lortie prend le micro pour porter la cause des pêcheurs gaspésiens à bout de bras. Les pêcheurs sont des « mangeux » de misère et qui doivent parler anglais pour travailler sur des chalutiers étrangers. Il le sait, puisqu’il est lui même pêcheur. Il y d’autres choses qui ne se sont pas passées comme dans la vraie vie. L’ex-felquiste, Francis Simard, qui a vu le film, prétend que s’il avait aperçu des filles à moitié nues se promener sur le terrain du café, il s’en serait souvenu. Les quelques scènes de baise de Lortie avec sa blonde Geneviève (Geneviève Boivin-Roussy) sont purement fictives, puisque Lortie n’avait pas de petite amie à cette époque. Pas plus qu’il n’y a eu de méchant André Duguay (Luc Picard), propriétaire d’un terrain de camping situé à côté de la Maison du pêcheur, de tentes incendiées et de jukebox saccagé par des fers à bras, éléments qui se retrouvent dans ce film dépourvu de tension dramatique. Seules une épicerie et une maison étaient voisines du café. Aussi, on se demande si le réalisateur Alain Chartrand n’a pas mélangé une partie de sa vie à celle des autres, en y intégrant parallèlement l’histoire des employés d’un restaurant qui veulent se syndiquer (le réalisateur est le fils du syndicaliste Michel Chartrand). Aussi, on ne sait pas si l’on doit rire ou pleurer lorsqu’on voit des acteurs talentueux comme Luc Picard et Raymond Bouchard (maire de Percé) et certains policiers jouer d’une manière si caricaturale dans ce film manichéen à souhait. Le seul qui réussit à bien tirer son épingle du jeu est Kevin Parent (Gabriel Boudreau), dont le film a permis de révéler les talents d’acteur.