Selon la Coalition opposée à la tarification et à la privatisation des services publics, organisatrice de la manifestation sous le thème «L’austérité est une histoire d’horreur», ils étaient près de 50000 à marcher le jour de l’Halloween à Montréal, avec plusieurs centaines d’autres un peu partout au Québec. Selon le Journal de Montréal, ils étaient plutôt 10000 ; selon La Presse, 7000. Une habituelle guerre de chiffres, mais ce qui est sûr, c’est qu’ils grondaient.

Les récentes compressions effectuées dans les services publics par les gouvernements fédéral et provincial ratissent large, en touchant à la fois à l’éducation, à l’environnement, aux services sociaux, au travail, aux femmes et à la culture. Ainsi, la foule est bigarrée, et rassemble des citoyens de toutes les fonctions qui veulent faire annuler les coupures et réviser les politiques fiscales actuelles. Manon Massé, députée de Québec Solidaire, résume: «Les gens ne sont pas dupes. Les gens ont compris que le gouvernement est en train, avec le projet de loi 10, avec le projet de loi 15 et avec les régimes de retraite, de déstructurer le filet social que nous nous étions donné et qui, paradoxalement, nous a aidés à passer à travers la crise de 2008.»

Le 31 octobre 2014, à 11 heures, devant le bureau du premier ministre au coin des rues Sherbrooke et McGill College, les gens se préparent. Des membres de l’association des pompiers de Montréal descendent de leur camion en costume, les étudiants déploient des bannières, Véronique Laflamme, porte-parole de la Coalition, entame son point de presse, la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec se rassemble avec ses drapeaux, et la Confédération des syndicats nationaux (CSN) prend du terrain. Au milieu de tous ces petits et grands groupes, des clowns, des lapins, des superhéros et des visages ensanglantés attendent le début de la marche.

«L’austérité est une histoire d’horreur»

Ce n’est pas par hasard si la manifestation contre l’austérité se déroule le jour de l’Halloween. Le mot «coupe» est associé à «décapitation». «S’illes veulent couper, qu’illes commencent par leur tête!», crie une banderole étudiante, dans laquelle les pronoms féminin et masculin se combinent. Louise Chabot, présidente de la Centrale des Syndicats du Québec, parle de «saccage»: «On voit déjà depuis quelques semaines et quelques mois un gouvernement qui veut saccager notre projet de société. C’était un projet qu’on a bâti, qui sert le bien commun, et ça pour nous c’est inacceptable.»

Le bruit des scies à chaîne a ponctué le discours de la manifestation, et a ensuite accompagné les marcheurs durant tout le trajet, qui s’est terminé devant le 357, rue de la Commune (un club privé du Vieux-Montréal où se seraient déroulées plusieurs discussions évoquées à maintes reprises devant la Commission Charbonneau).

Des manifestants de tous horizons

82000 étudiants sont officiellement en grève en ce jour de manifestation. Certains essaient d’amener au mouvement une vision socialiste, comme Julien Daigneault, membre du comité Étudiant-e-s socialistes UQAM. «Ce genre de réformes-là, on peut les gagner, mais il faut les faire dans une perspective socialiste, une perspective de changement radical de la société. C’est des batailles qu’on peut gagner, et de bataille en bataille, la confiance se crée entre les différentes parties.»

Des groupes de femmes sont aussi présents. Des membres de centres de femmes de toutes les régions du Québec sont présentes, selon Linda Provençale, intervenante au centre des femmes l’Héritage en Mauricie, à Louiseville, et membre de l’R des centres de femmes du Québec. Celle-ci pense que les coupures toucheront les femmes de très près, surtout dans les services de santé et les services sociaux. «En éducation, dans les écoles, dans les hôpitaux, les femmes sont les premières [à être touchées], à cause du rôle qu’elles jouent souvent auprès des proches.»

Hugo Valiquette, coordonnateur de la table régionale des organismes communautaires de Lanaudière, dit représenter une cinquantaine d’organismes. «Ce qu’on se rend compte, c’est que les mesures d’austérité touchent toujours les gens les plus vulnérables de notre communauté.»

Outre Manon Massé, citée plus haut, plusieurs députés sont présents. Alex Tyrrell, chef du Parti Vert du Québec, voit les dangers que représentent les coupures pour l’environnement. «On voit des coupures dans les programmes environnementaux et dans les transports en commun. On voit que le gouvernement est prêt à subventionner des compagnies qui font du transport de pétrole alors qu’ils ne mettent aucune emphase sur l’environnement.» Mario Beaulieu, président du Bloc Québécois, a aussi rassemblé un contingent pour participer à la manifestation.

La première d’une longue série ?

Tous sont optimistes quant à l’impact de cette manifestation. Il fait beau, les participants sont enthousiastes, et compte tenu de l’heure du midi de ce jour de semaine, le nombre de participants est impressionnant. Manon Massé dit: «Il faut se rappeler que c’est le début de quelque chose.» Et Hugo Valiquette de préciser: «C’est la première d’une série de manifestations qui auront lieu dans les prochains mois.»