En 2006, Écosociété était un éditeur peu connu. Mais la poursuite pour diffamation, intentée cette année-là par Barrick Gold contre la maison d’édition, pour la publication du livre Noir Canada d’Alain Deneault, l’a rendue célèbre. Un peu plus d’un an après la fin de cette saga judiciaire, la maison d’édition engagée a souligné son vingtième anniversaire le 29 novembre dernier, presque 20 ans jour pour jour après la publication du premier texte Pour un Québec sans armée. Un appel au bon sens, le 26 novembre 1992.

C’est avec beaucoup d’émotion que Serge Mongeau, fondateur de l’Institut Écosociété, dont fait partie la maison d’édition, a livré son discours lors de la soirée anniversaire. Il a rappelé les principes qui l’ont amené à publier. «À l’époque, on déplorait un manque d’analyse des problèmes sociaux, se souvient-t-il. Mais on voulait surtout offrir des pistes de solutions concrètes pour amener un vent d’optimisme.»

Même s’il reconnaît que beaucoup de chemin a été parcouru depuis, il réitère que l’éditeur a toujours une grande raison d’être. «Aujourd’hui, nous avons besoin plus que jamais d’Écosociété et d’analyses critiques pour faire tomber le néo-libéralisme vacillant», s’exclame-t-il. Pour une maison indépendante, fêter ses 20 ans a quelque chose d’exceptionnel. Réussir à survivre, malgré peu de moyens et essentiellement grâce à des subventions, n’est pas facile.

Si Écosociété y est parvenu, c’est parce que ses livres ont une longue durée de vie, croit M. Mongeau. «Si on déposait les manuscrits de nos premiers livres aujourd’hui, je les publierais tels quels puisqu’ils sont toujours d’actualité. Ce sont des analyses qui durent dans le temps.» Une autre raison du succès des livres d’Écosociété est leur accessibilité. «Nous visons un public large, qui s’intéresse aux enjeux sociaux. Il ne s’agit pas de s’adresser aux intellectuels universitaires. Même si nos livres sont beaucoup utilisés dans les cégeps et les universités, ils se veulent accessibles», pense Serge Mongeau.

Noir Canada, le best-seller interdit

La poursuite de Barrick Gold au sujet du livre Noir Canada. Pillage, corruption et criminalité en Afrique a marqué à jamais la maison Écosociété. «Cela a été très éprouvant», raconte Élodie Comtois, responsable des communications. Mais malgré un règlement hors cour qui interdit la vente du livre, un certain sentiment de victoire est palpable au sein de l’équipe. «Je crois que c’est un élément positif à long terme, explique Serge Mongeau. On a eu un appui énorme de la part du public et cela a mis au grand jour les activités des minières.»

Les ventes du livre d’Alain Deneault, William Sacher et Delphine Abadie ont d’ailleurs été exceptionnelles. «On pensait peut-être vendre 600 exemplaires, mais on en a imprimé 3500», constate M. Mongeau. «Le livre continue donc de vivre», ajoute Mme Comtois. L’histoire du livre Noir Canada est devenue si célèbre, qu’un documentaire sur le sujet, réalisé par Julien Fréchette, prendra l’affiche au mois de février.

Ce qui demeure le plus important est de ne pas avoir cédé à la peur dans cette poursuite bâillon, selon Élodie Comtois. «Quand la peur s’installe, l’autocensure arrive et on ne peut plus faire un travail d’éditeur critique.» Et cette mission d’éditeur critique se poursuit chez Écosociété avec la publication en septembre du livre Paradis sous terre d’Alain Deneault et William Sacher. Sans reculer face aux pressions des géants miniers, les auteurs récidivent en expliquant comment le Canada est devenu le paradis fiscal et judiciaire des minières.