Avilissement, précarisation, clochardisation. Tels sont les maux qui minent les conditions de travail et de vie des journalistes en Afrique centrale. Que ce soit en Centrafrique, au Tchad, au Congo- Brazzaville, au Gabon ou au Cameroun, la problématique tient au fait qu’il n’y a pas véritablement de liberté de presse.

Les journalistes travaillent dans un environnement où règnent la corruption, la fraude et la peur. En d’autres termes, s’accorde-t-on à dire, « un journaliste mal rémunéré constitue un vrai danger pour la démocratie et le développement ».
Dans les années 90, l’avènement du multipartisme et de la démocratie, a induit un développement quantitativement exponentiel des médias en Afrique Centrale, mais non adossé sur de véritables entreprises structurées, faute d’un environnement juridique favorable à leur viabilité économique.

Il en est résulté pour l’ensemble du paysage médiatique, l’image d’une communication sociale caractérisée par la précarité des entreprises, les conditions indécentes et inhumaines de travail, et la corruption quasi généralisée de ses professionnels. L’évidence qui en découle est l’insécurité matérielle et alimentaire favorable à l’émergence d’une race frelatée d’hommes de média communément appelés « journalistes gombotiques ».

Ils sont faits d’indigents et d’escrocs. Des centaines d’hommes et de femmes qui sont censés tirer leurs moyens de subsistance de la collecte, du traitement et de la diffusion des informations, dans un ou plusieurs médias, fonctionnent plutôt comme des bénévoles pour faire vivre et prospérer des individus qui, sur leur dos, évoluent plus vite que leurs journaux.
Situation alarmante

En Centrafrique

A côté de leurs conditions de travail précaires, « les journalistes et professionnels des médias, tant du secteur public que du secteur privé en République Centrafricaine, sont victimes de toutes sortes de pressions. Il y a aussi les cas de menaces de mort à l’encontre de certains d’entre nous» ont affirmé des journalistes à l’occasion de la journée internationale de la liberté de presse. Le nombre d’exactions a augmenté en 2012 depuis la prise du pouvoir par la Séléka.

C’est la raison pour laquelle «nous encourageons nos collègues de Centrafrique à rester fermes sur la défense de la liberté de la presse et leur propre sécurité. Ce sont des moyens importants pour assurer une presse libre et indépendante», ajoutait Stanis Nkundiye président de l’Union des Syndicats de presse en Afrique centrale (USYPAC).

Au Cameroun

Dans une enquête menée en novembre 2009 par le Syndicat des Journalistes Employés du Cameroun (SJEC) avec l’appui financier du Programme d’Appui à la Structuration de la Société Civile (PASOC- Union Européenne) sur la situation professionnelle des journalistes et professionnels des métiers connexes au Cameroun, les résultats font ressortir une situation d’extrême précarité dans laquelle vivent les travailleurs des médias. 73% des travailleurs des médias ont un contrat tandis que 27% n’en ont pas. 58% ont un salaire supérieur à 50.000 FCFA (100$), 32% inférieur à 50.000 FCFA (moins de 100$), 4% sans réponse et 1% sans salaire. Dans ce même registre, sur 152 journalistes ayant répondu au questionnaire, 67 sont payés à la caisse contre 37 par virement bancaire, 21 en nature dont 20 seulement reçoivent un bulletin de paie et 07 qui ne sont pas payés.

7% seulement des journalistes bénéficient d’une sécurité sociale, 11% logés, 22% ont une indemnité de transport, 25 % des congés payés et 69% ne bénéficient d’aucune indemnité.

Ces chiffres illustrent à souhait que le statut des professionnels des médias mérite une profonde réflexion.
Au Congo Brazzaville

Vingt ans après la Déclaration de Windhoek (Namibie) sur la liberté de la presse et dix ans après les Etats généraux de la presse francophone à Brazzaville, la presse indépendante congolaise est encore confrontée à de nombreux problèmes qui entravent son évolution.

Les organes de presse doivent acquérir une assise économique solide et devenir de véritables entreprises, assurant aux hommes et aux femmes de média de bonnes conditions de sécurité, de travail et de vie, pour espérer de bonnes performances.

La presse écrite privée congolaise est devant un dilemme : s’unir pour exister ou se séparer pour mourir.

La non application des conventions collectives

Bien que le Cameroun, le Tchad et le Congo Brazzaville sous la pression des syndicats aient signé des conventions collectives de Journalistes qui garantissaient la signature des contrats de travail au personnel et divers autres avantages, celles-ci sont malheureusement restées lettre morte. Les patrons de presse refusant de les mettre en pratique et exigeant des gouvernants, certaines mesures compensatrices.

En Centrafrique et au Gabon et même en Guinée Equatoriale, la signature de ces conventions n’est pas encore à l’ordre du jour. Dans ce dernier pays, l’on ne parle même pas de pluralité d’opinion. Seule l’opinion gouvernementale prime et la contestation est vivement réprimée.

Ce sombre tableau ne décourage pas pour autant les organisations syndicales qui continuent à espérer des lendemains meilleurs pour la presse indépendante.

Norbert Tchana Nganté