Créés pour nourrir la planète, disait-on au début, les organismes génétiquement modifiés (OGM) sont essentiellement consacrés à l’essor des herbicides, Roundup en tête. Selon plusieurs experts, leur usage représente maintenant une menace pour la sécurité alimentaire mondiale. Le 15 mars dernier, le Forum sur les dérives des OGM, organisé par les Amis de la Terre de l’Estrie, a réuni à Sherbrooke près de 200 citoyens, chercheurs et représentants d’organismes de tout le Québec pour dresser l’état des lieux. Un constat unanime: il est urgent de revenir au principe de précaution.

Les OGM ont trahi leurs promesses. Certaines grandes compagnies agroalimentaires les ont même délaissés, comme McCain la pomme de terre. Les OGM commerciaux sont principalement le soja, le maïs, le canola et le coton. Ce qui motive leur usage ne semble pas être une amélioration de la qualité des produits, mais bien la résistance à un herbicide, et donc la dépendance de l’agriculture à des fournisseurs de semences et d’herbicides qui agissent en synergie. Le monde agricole est piégé par l’industrie. Cette situation a permis une concentration sans précédent dans le secteur agroalimentaire, a expliqué Louise Vandelac, Ph.D., sociologue, directrice de l’Institut des sciences de l’environnement à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), chercheure au Comité de recherche et d’information indépendantes sur le génie génétique (CRIIGEN) de l’Université de Caen en France.

Contrairement à leur promesse de réduire les pesticides, les OGM en exigent de plus en plus et de plus en plus résistants. La transmission des gènes résistants aux plantes envahissantes que l’agriculture souhaitait éradiquer crée un effet pervers dramatique en les rendant encore plus fortes. Mme Vandelac parle de «territoires entiers aux États-Unis qui sont maintenant recouverts d’amarante géante. Les agriculteurs perdent leurs terres».

Néfastes pour la santé: c’est maintenant prouvé

Les chercheurs du CRIIGEN, sous la direction de Gilles-Eric Séralini, ont déposé en septembre une étude qui démontre que ce cocktail d’herbicide et d’OGM a un effet néfaste sur la santé. En appliquant un protocole à long terme sur toute la durée de vie des rats, contrairement aux études menées habituellement pour homologuer les OGM, l’équipe du professeur Séralini a constaté que les rats nourris au maïs OGM NK603, avec ou sans Roundup, deux produits Monsanto, développement au moins deux fois plus de tumeurs et meurent plus rapidement que les rats nourris au maïs classique. L’étude a été critiquée par l’Agence sanitaire européenne de l’alimentation (EFSA) et par le Haut conseil des biotechnologies, qui recommande tout de même de mener une étude publique «pour lever les doutes et rassurer l’opinion publique», a rapporté le Nouvel Observateur, qui a eu la primeur de ce sujet.

Les intervenants et participants au Forum sur les dérives des OGM ont massivement dénoncé l’abandon du principe de précaution par les autorités nord-américaines et la faiblesse des études officielles, souvent menées par l’industrie elle-même. «Ce postulat économique qu’on a utilisé pour évaluer les OGM, c’est le GRAS (generally recognized as safe), explique Mme Vandelac. On a des plantes suffisamment différentes pour être brevetées mais pas suffisamment différentes pour faire l’objet d’une analyse approfondie.» Les protocoles sont extrêmement limités quant aux paramètres qu’on mesure, dénonce l’apiculteur Jean-Pierre Chapleau, qui cite le principe de la dose létale médiane (DL50). «C’est comme si pour tester un médicament, on vérifiait si vous êtes morts après 48h, ou pas. Si vous n’êtes pas morts, on le met en marché.»

Omertà: la loi du silence

«Il y a 3200 agronomes au Québec. Où est-ce qu’ils sont aujourd’hui? Je ne sais pas s’ils sont plus nombreux quand l’assemblée, ce n’est pas les Amis de la Terre qui l’organise, mais Monsanto ou Syngenta. Posez-vous la question. Moi, je me la pose», a lancé Claire Bolduc, présidente de Solidarité rurale du Québec (SRQ) et ancienne présidente de l’Ordre des agronomes du Québec, qui a conclu la journée par une conférence fracassante. «Je ne pouvais passer sous silence le fait que certains de mes collègues ne pouvaient pas être présents ici aujourd’hui parce que leur employeur leur interdisait, s’est-elle indignée. Je ne pouvais pas non plus passer sous silence que certains d’entre eux ont été tout de même suffisamment convaincus  qu’ils doivent avoir de l’information de toute nature qu’ils sont venus par leurs propres moyens, sur leur propre temps.»

La présidente de SRQ a aussi confié avoir appris qu’il y a, depuis dix ans, des études au ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ), qui démontrent la capacité du Roundup à capter et à emprisonner les éléments fertilisants du sol. Cet effet de «chélation» peut persister pendant des dizaines d’années, révèle une recherche publiée dans Natural News par Jeffrey M. Smith, directeur de l’Institut pour la technologie responsable (Institute for Responsible Technology).

«Brisez la loi du silence», a conclu Mme Bolduc.