Le Plan Nord de l’équipe libérale a largement défrayé les manchettes au cours de la dernière année. Porté au pouvoir le 4 septembre dernier, le gouvernement péquiste a déjà annoncé des changements majeurs au projet, qui porte désormais le nom de Plan de développement du Nord. Le Parti québécois propose une vision différente du développement du territoire du Nunavik en souhaitant notamment s’assurer de la transformation des minerais au Québec, augmenter les redevances des compagnies minières et faire payer l’industrie pour les infrastructures routières et électriques nécessaires à l’implantation d’entreprises dans le nord québécois. Malgré ces mesures annoncées pour favoriser l’économie québécoise, le gouvernement Marois n’a encore présenté aucune piste de solution pour résoudre les problèmes sociaux considérables qui affectent la population du Nunavik.

La surpopulation des logements constitue l’un des principaux problèmes dans les communautés inuites. Dans les villages du Nunavik, il n’est pas rare de voir une quinzaine de personnes s’entasser dans un même appartement. Ces conditions de vie engendrent ou du moins aggravent une panoplie de problèmes: violence, agressions sexuelles, inceste, maladie, alcoolisme et toxicomanie.

Contribution à la pénurie de logements

En période estivale, plusieurs des maisons de l’Office municipal d’habitation Kativik subissent des travaux de rénovation ou d’entretien qui ne peuvent se faire en présence des habitants du logis. Ceux-ci se voient contraints de déménager ailleurs pour quelques semaines, parfois quelques mois. Mais qui peut les accueillir alors que les maisons débordent déjà? Personne. Ils s’installent donc dans des tentes, parfois des cabanons, sans électricité ni eau courante.

On estime à 1000 le nombre de logements supplémentaires nécessaires pour subvenir aux besoins des Nunavimmiut. Le gouvernement du Québec s’est engagé à en construire 500; le gouvernement fédéral devait faire le reste. Or, à l’heure actuelle, Ottawa n’a toujours pas donné suite.

Par ailleurs, durant le court été nordique, la pénurie s’aggrave en raison du nombre important de travailleurs du sud (construction, recherche, etc.) qui affluent dans les communautés du Nunavik. À Salluit, notamment, le seul hôtel du village a affiché complet pendant plusieurs mois, en forçant plusieurs à trouver de l’hébergement chez des particuliers. Si on peut se réjouir des emplois créés par le Plan de développement du Nord, on peut toutefois se demander où s’installeront tous ces nouveaux travailleurs si on n’arrive même pas à loger convenablement les populations locales.

Raglan Money Day

La compagnie Xstrata Nickel, qui exploite la mine Raglan, située non loin de Salluit, remet chaque année un pourcentage de ses profits à la communauté. Le Raglan Money Day arrive généralement à la fin du mois de juillet et l’argent est divisé en parts égales (un certain montant est prévu pour les adultes et un autre pour les enfants) puis remis individuellement à chacun des Sallumiut. Le total varie en fonction des profits réalisés par l’entreprise, mais se chiffre à plusieurs milliers de dollars.

Bien que le geste part sans doute d’une bonne intention, on peut se questionner sur ses conséquences. L’équipe médicale du dispensaire local confirme qu’elle doit soigner jusqu’à trois fois plus de blessés que d’habitude dans les jours qui suivent l’arrivée du chèque. Les policiers ont dû procéder à 35 arrestations pour la seule fin de semaine du Raglan Money Day 2012. Les gérants du Northern Store ont vu se multiplier les achats de télévisions, d’ordinateurs et de gadgets de toutes sortes, mais à peine quelques semaines plus tard, les bons de secours échangeables contre de la nourriture émis par le gouvernement régional Kativik circulaient à nouveau dans le magasin.

L’argent remis par Xstrata Nickel finance bien souvent l’achat de drogue, d’alcool et de nouveaux véhicules, ce qui fait littéralement exploser le nombre d’accidents et d’incidents violents. Seuls deux villages du Nunavik (Kuujjuaq et Puvirnituq) disposent d’un hôpital, ce qui signifie que chacune des autres communautés doit y envoyer ses blessés graves par avion-ambulance.

Si de nouvelles compagnies minières s’installent un peu partout au Nord du Québec et adoptent le système de redevances de la mine Raglan, il y a fort à parier que les Raglan Money Day et leur cortège d’événements funestes se multiplieront. Les coûts engendrés pour le transport et le soin des blessés ne seront pas payés par les entreprises, mais bien par les contribuables québécois, sans parler des effets dévastateurs pour les Inuits.

Ce ne sont là que quelques uns des défis qui accompagneront le développement du nord québécois. En réponse au Plan Nord proposé par le gouvernement libéral, les Inuits ont présenté en 2010 Parnasimautik (Le Plan Nunavik), qui propose une vision du développement et des priorités du Nunavik sur un horizon de 25 ans dans des domaines tels que le logement, la santé, l’éducation, l’accès au territoire, la protection de l’environnement et de la faune, la culture, le tourisme, le bioalimentaire, les ressources non renouvelables, l’énergie, le transport, les communications et le développement des communautés. Reste à voir ci ces demandes trouveront une réponse auprès du nouveau gouvernement.

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L’auteure est chargée de projet en récréologie pour la municipalité de Salluit, située au Nunavik. Elle en est à son quatrième séjour dans la région.