Le premier forum sur la justice sociale et les ressources naturelles a eu lieu à Rimouski, les 19 et 20 avril dernier. À la veille du Jour de la Terre, de nombreuses considérations et motivations s’y sont rencontrées, tentant de répondre à la question: comment exploiter nos ressources naturelles pour que tous puissent en bénéficier, ici, maintenant et surtout, demain? Comment favoriser un modèle d’économie sociale, de développement équitable basé sur des valeurs sociales d’épanouissement personnel et collectif?

C’est sur l’initiative des sœurs de la congrégation Notre-Dame du Saint-Rosaire que près de 200 personnes se sont déplacées et ont partagé leurs idées en ce sens. Comme l’a rappelé Dominic Champagne, metteur en scène engagé sur le plan environnemental depuis plusieurs années, «les ressources naturelles sont une richesse collective, un bien commun, elles appartiennent légalement à tous les Québécois».

De nombreuses injustices économiques se déroulent, parfois à l’insu des citoyens, parfois sans tenir compte de leurs opinions et avis. Des permis d’exploitation sont actuellement accordés à des entreprises minières, leur permettant de posséder littéralement les sous-sols de la province. Il a donc été question de se demander pourquoi de tels abus existent et comment remédier collectivement à ces situations. Pour le député péquiste de Rimouski, Irvin Pelletier, «on n’a pas le choix, il faut exploiter nos ressources, mais le profit, ça se partage».

Des citoyens qui «se mêlent de leurs affaires»

C’est cette idée de citoyens informés, éduqués, qui a servi de fil rouge tout au long de ce forum ouvert à tous. Le forum a commencé en grande pompe avec une conférence de Claire Bolduc, présidente de la Solidarité Rurale du Québec (SRQ). Forte d’une expérience de 15 années de luttes sociales, rurales et environnementales au Québec, dix minutes lui ont suffi pour jeter les bases de ce qui fut deux journées de réflexion intense: débats et échanges d’idées, recherche de solutions pour une redistribution équitable et solidaire des richesses pour les régions d’aujourd’hui, mais aussi pour celles de demain.

Certains, à l’instar de Claire Bolduc, ont mis de l’avant le fait que les citoyens sont les experts de leur milieu. Les experts techniques ne sont pas forcément compétents dans une petite municipalité, livrés à une réalité qu’ils ne peuvent appréhender, car ils ne vivent pas sur le territoire et n’interagissent pas avec tous les acteurs. Qui de mieux que soi-même, en tant que citoyen, peut donc influer sur l’avenir de son territoire? Pour la présidente de la SRC, c’est une vision globale venant de la base qui permet d’instaurer un nouveau modèle de développement socio-économique.

On s’est aussi demandé quel poids un groupe de citoyens pouvait avoir face à un lobby? Instaurer des coalitions entre acteurs sociaux, travailler de concert avec les gouvernants, reprendre confiance en nos élus et instaurer une démocratie locale qui servirait de levier à une justice sociale plus équitable ont été des éléments de réponse évoqués. La politique nationale de la ruralité lancée en 2006 par la SRQ avait pour finalité de rapprocher les citoyens des décideurs locaux pour que tous travaillent et s’épanouissent en synergie.

Un problème de modèle économique

«Les richesses naturelles sont la base de notre prospérité collective», estime Claire Bolduc. Pour cette militante aguerrie, leur utilisation a des impacts sur tous les aspects de nos vies: culturel, identitaire, économique et avant tout social ; et le modèle économique qui s’approprie ces richesses ne laisse derrière lui que déchets et vies chamboulées, colère et désespoir.

«Les ressources naturelles sont un bien commun cédé aux forces du marché», souligne Nikole Dubois, impliquée dans le développement social du Témiscouata. Dans une imparable démonstration, la fondatrice du concept éducatif bas-laurentien Antidote, a également insisté sur les limites de ce modèle économique de nature capitaliste et d’inspiration néolibérale, générateur d’injustices sociales profondes et de tensions.

Communiquer pour avancer, prendre le temps de réfléchir

Après une demi-journée d’ateliers mêlant des personnes de tous âges et toutes catégories socioprofessionnelles, quelques pistes de solutions, de réflexion et d’actions ont été mises en avant. D’abord, la notion de propriété des ressources. Pour Danie Royer, administratrice du Réseau québécois des groupes écologistes (RQGE), il est davantage souhaitable de parler de richesses plutôt que de ressources naturelles, car il nous faut considérer que les richesses tirées du sol ne sont par la propriété exclusive de l’être humain. Dans cette optique, des exigences écologiques allant vers le respect des générations futures doivent être revendiquées.

Des études indépendantes sur les impacts liés aux diverses exploitations sont souhaitables et tout projet d’utilisation des richesses devrait être viable pour les cent prochaines années, selon certains citoyens présents.

Le modèle norvégien: une idée de la justice sociale?

En 1974, le gouvernement de Norvège a décidé de participer à hauteur de 51% sur toutes les concessions minières accordées à des entreprises privées. Les Norvégiens n’acceptaient pas que les profits issus des exploitations de pétrole et de gaz ne profitent qu’à une seule génération, d’autant plus qu’il s’agissait de ressources appelées à disparaitre et non renouvelables. Une société d’État, la Statoil, fut créée à cet effet. Quarante ans plus tard, ce procédé a permis de placer près de 600 milliards de dollars de côté pour les générations futures. Ce modèle de contrôle démocratique a été évoqué à plusieurs reprises, notamment par Dominic Champagne, qui a interpellé l’assemblée à ce sujet: un tel modèle d’appropriation étatique des profits des minières pour créer un fonds d’investissement serait-il envisageable pour le Québec?

Au terme de ces deux jours de débats assidus et conviviaux, le forum aura porté ses fruits. Les porteurs de messages ont réalisé ce pourquoi ils étaient venus: ils nous ont fait rêver d’un monde meilleur. Croire que tout est possible, avoir une vision globale et collective citoyenne.