Veuillez noter que cet article, publié à l’occasion du premier avril 2014, est une fiction, tout comme plusieurs autres articles publiés dans les journaux ainsi que le veut la tradition. Au journal Ensemble, nous saisissons l’occasion pour utiliser exceptionnellement cette forme d’éditorial efficace et appréciée qu’est le canular. Les faits relatés n’ont donc pas eu lieu. Nous remercions les personnalités publiques réelles auxquelles le texte fait référence pour leur aimable compréhension.

Si le Parti québécois est élu, le prochain gouvernement Marois convoquera une assemblée constituante tirée au sort pour définir les institutions démocratiques du Québec souverain. À quelques jours du scrutin, le PQ tire encore de l’arrière dans les sondages et songerait à faire cette annonce fracassante qui «redonne le pouvoir aux citoyens». Selon les documents internes dont Ensemble a obtenu copie, l’Assemblée constituante sera créée dès ce printemps et son projet de Constitution sera automatiquement soumis au vote populaire six mois après le référendum sur l’indépendance, qui lui-même doit se tenir le 22 juin 2015.

«D’abord, on décidera qu’on se donne un pays, et ensuite on se donnera ensemble le système démocratique que les Québécois vont choisir pour ce pays, a expliqué Mme Marois, jointe par téléphone dans son autobus de campagne. Mais je tiens à ce que la longue démarche qui mène à l’adoption d’une nouvelle constitution soit entreprise dès maintenant. La campagne qu’on vient de vivre a démontré qu’on a cruellement besoin de rénover notre démocratie, même en tant que province, et on veut que le pays parte du bon pied. On veut un système qui soit aussi solide et démocratique que, par exemple, les coopératives.»

Une assemblée tirée au sort, comme un jury

Selon le Plan vers l’indépendance, document interne dont Ensemble a obtenu copie, l’assermentation des membres de l’Assemblée constituante doit se faire lors de la Journée nationale des Patriotes, et leur mandat doit prendre fin le 15 novembre 2015. On se rappellera que cette date est l’anniversaire de la première élection du PQ, en 1976. À la façon dont on sélectionne les jurés à la cour de justice, 150 Québécois représentatifs de la société, et sans conflit d’intérêts, seront convoqués à passer 18 mois à huis clos pour rédiger l’important document.

Une équipe de constitutionnalistes, d’historiens et d’observateurs indépendants accompagneront les travaux des délégués, leur fourniront de la documentation et éclaireront leurs décisions. «Avec les travaux réalisés par l’équipe de Claude Béland [qui présidait les États généraux sur la réforme des institutions démocratiques du Québec], en 2003 sous le gouvernement Landry, nous avons déjà une bonne idée de ce que les Québécois souhaitent comme institutions», a déclaré le ministre sortant responsable des Institutions démocratiques et de la Participation citoyenne, Bernard Drainville.

À l’époque, les mille délégués avaient voté clairement en faveur d’un mode de scrutin de représentation proportionnelle régionale, du droit à l’initiative populaire (référendums déclenchés par les citoyens), de la séparation du pouvoir entre le gouvernement et l’Assemblée nationale, des élections à date fixe, de la décentralisation des pouvoirs vers les régions, et de l’adoption d’une constitution du Québec (lire le rapport).

«Nous leur demanderons en plus d’établir un cadre pour garantir l’indépendance des médias et des journalistes, le financement de la presse indépendante et les conditions des journalistes indépendants, car c’est un domaine qui doit être dans la Constitution, a ajouté l’ancien journaliste. Une constitution, ça relève directement du peuple. C’est adopté par référendum et ça ne peut être modifié que par référendum, pas par un simple vote gouvernemental.»

Moratoire sur les grands projets

Les grands projets qui ont des impacts, de droite comme de gauche, seront mis sur la glace en attendant le résultat référendaire et la nouvelle constitution. «Cela vaut pour les projets pétroliers comme pour l’instauration d’un revenu minimum citoyen, a illustré M. Drainville, parce que c’est pas vrai qu’on va mettre le Québec souverain devant les faits accomplis. Les Québécois éliront le gouvernement qu’ils voudront dans leur nouveau Québec démocratique, et feront les choix de société qu’ils souhaiteront.»

Le projet de Constitution devra être prêt le 4 septembre 2015 pour que commence le débat public devant mener au vote du 15 novembre. Dès ce printemps, le gouvernement mettra à la disposition des citoyens une plateforme de vote électronique sécurisée qui servira à l’expression de l’opinion populaire pendant les deux campagnes référendaires.

Démocratie électronique et sondages

Des forums permettront l’émergence d’idées nouvelles, tandis que des sections de vote électronique permettront de prendre le pouls des citoyens beaucoup plus facilement et avec plus de fiabilité que par les sondages, qui depuis longtemps n’utilisent même plus d’échantillons «probabilistes». La clé d’accès à ce système sécurisé sera envoyée à chaque citoyen par le Directeur général des élections (DGE), en même temps que sa nouvelle carte d’identité nationale.

«Les sondages ne seront bien sûr pas interdits, assure le candidat péquiste Pierre-Karl Péladeau, dont les liens d’affaires avec la firme Léger sont bien connus, mais ils devront faire leurs preuves face à ce système beaucoup plus efficace. Chose certaine, les journalistes de Québecor, tels que je les connais, ne se contenteront de rien de moins que de la plus grande rigueur.»

Lors de cette brève entrevue en marge d’une allocution sur l’indépendance des médias communautaires à Trois-Pistoles, l’ex-magnat de la presse a évoqué l’idée qu’un réseau de télévision (il n’a pas précisé si ce serait TVA) crée un grand jeu télévisé ayant pour objet les meilleures idées pour le Québec indépendant, «peut-être en lien avec la Constituante», a-t-il laissé entendre.

Le tabou des Libéraux

S’il s’est dit «surpris que le PQ remette en question nos institutions politiques, issues d’une longue tradition démocratique», le chef libéral Philippe Couillard convient qu’une réforme du mode de scrutin est depuis longtemps dans le programme de son parti.

«Même s’il date du XIXe siècle, on ne voulait pas vraiment changer le système, parce que c’est ce même système qui nous permet de gagner les élections, et grâce à ses distorsions, nous allons encore reprendre le pouvoir cette fois-ci», a échappé la candidate libérale Christine St-Pierre, ajoutant que le PQ était du même avis jusqu’à nouvel ordre. «Je crois que c’est la panique qui les pousse à faire de telles promesses irréalistes», a-t-elle poliment suggéré.

Récupération électoraliste

Du côté de Québec Solidaire, on dénonce la récupération pure et simple. Le parti de Françoise David menace la réélection du PQ en attirant les voix de gauche dans plusieurs circonscriptions. «Ça fait des années que c’est dans notre programme, la Constituante, s’est exclamé le candidat Amir Khadir. Ce que je comprends, c’est que le PQ veut séduire nos électeurs à quelques jours de l’élection.»

Le Parti des sans-parti (auparavant connu sous le nom de Coalition pour la constituante), applaudit cette initiative, qui est au cœur de son propre programme. «Si le PQ est élu et concrétise cet engagement, nous pourrons enfin dissoudre notre parti, comme prévu», a indiqué le chef Frank Malenfant.

«Tirer au sort les délégués! ON n’y avait pas pensé, concède le chef d’Option nationale, Sol Zanetti. Ainsi, on évite une campagne partisane, des nominations corporatives, ou syndicales, et on fait l’indépendance. Ce plan est meilleur que notre programme!» M. Zanetti promet toutefois de surveiller de près le gouvernement péquiste, s’il est élu, pour que cet engagement se réalise.

Il n’a été possible de parler à aucun candidat de la Coalition Avenir Québec, dont plusieurs sont déjà partis dans le sud, et d’autres sont en arrêt de travail pour épuisement professionnel. «Ils se sont trop donnés!», a blagué la personne qui nous a répondu à la permanence nationale.