Juste avant la conclusion du Sommet international des coopératives 2014, les participants au Programme Jeunes leaders ont tenu à rappeler l’importance des dix valeurs et des cinq principes coopératifs dans une déclaration intitulée «Coopérer pour transformer la société». Alors qu’ils avaient obtenu la journée même l’autorisation de parler de leur propre vision du monde coopératif pendant la conférence finale, ils se sont vus refuser ce privilège à la dernière minute pour une question de «logistique».

Le texte de la déclaration n’a, en soi, rien de révolutionnaire. Il rappelle l’importance de considérer la coopération comme la meilleure alternative économique au système actuellement prédominant et celle de faire entendre, spécialement lors d’événements basés sur les valeurs coopératives, la voix de la diversité.

«Nous sommes convaincus que nous ne réussirons à faire émerger une économie plus juste et durable qu’en ouvrant nos processus de décision aux personnes les plus impactées par la récession et l’instabilité économique, ainsi que le changement climatique.» Pour lire la déclaration entière : http://s.coop/youthjeunesse2014

Un document dérangeant pour le Sommet?

Convaincus que la coopération ne pourra jouer son rôle de transformateur social (dont les économistes et environnementalistes actuels ne cessent pourtant de rappeler l’importance, voire même l’urgence) sans consulter les groupes sociaux les plus touchés par les problématiques modernes, les Jeunes leaders invitent à ouvrir le débat non seulement entre les générations, mais en incluant tous les groupes marginalisés au sein du débat.

«La coopération ne fera une différence dans le monde qu’en incluant ces personnes*», confiait au journal Ensemble la coauteur du manifeste, Emily M Lippold Cheney, critiquant également «le fait que nos espaces sont dominés par des gens qui ne sont pas tant impactés, qui n’ont pas vraiment d’intérêt, littéralement, dans le système coopératif. Seulement, l’individualisme et le consumérisme imprègnent tout. Moins nous nous distinguons, plus nous glissons dans ces autres systèmes de valeurs qui ne sont pas en accord avec les valeurs coopératives.»

La pensée d’Elisa Terrasi, jeune participante au Sommet oeuvrant dans le domaine des coopératives de travail, abonde dans le même sens que la déclaration des Jeunes leaders. «Nous n’avons pas besoin de quota. Nous n’avons pas besoin de conférences au sujet de la participation des femmes et des jeunes. Nous avons besoin d’entendre ici davantage de femmes et de jeunes parler de marketing ou de toute autre forme de business.*» Pour elle, le fait que les Jeunes leaders aient ressenti le besoin d’écrire un manifeste parle de lui-même.

C’est en effet la déception exprimée par la jeune coopérante Evelina Bergström, membre du Programme Jeunes leaders : «Ils ne nous laissent pas d’espace. En fait, ils réclament toute la scène et ils mènent la discussion, mènent l’agenda. Et nous sommes assis là à se faire enseigner comme des enfants à l’école. Nous avons tellement à apprendre les uns des autres! Il doit y avoir dès maintenant des solutions plus fraîches, plus modernes et plus d’interactions.*»

Bien que critique, la déclaration faite par les Jeunes leaders se veut positive et tend précisément à enclencher le débat auquel ils auraient voulu participer pendant cette rencontre internationale. «Ce n’est pas une façon d’attaquer qui que ce soit, tenait à préciser Fabien Marianne, co-auteur de ce manifeste. On est même très contents qu’il y ait un Sommet parce que sinon, on ne se seraient pas rencontrés et on auraient pas eu cette réflexion.»

Une conclusion axée sur les jeunes

Malgré l’absence des deux auteurs du manifeste lors du panel final, la discussion a porté principalement sur l’intercoopération et la place des jeunes dans le mouvement coopératif. Jean-Louis Bancel, président du Crédit coopératif, a tenu à féliciter les jeunes pour leur manifeste et à souligner la justesse de leurs propositions, notamment celle selon laquelle il convient d’intégrer davantage les jeunes coopérateurs. «Il faut leur ouvrir les portes et il faut même recruter. En engageant davantage de jeunes à l’interne, Mais aussi en leur permettant de créer leurs coopératives, fussent-elles compétitrices de nos propres coopératives.»

Le discours de Bruno Roelants, Secrétaire général de CICOPA, lui aussi paneliste lors de ce dernier débat, allait dans le même sens. «La nouvelle génération qui arrive est complètement différente de la précédente. Ce sont des gens qui ont beaucoup plus intégré le modèle coopératif. Il y a une direction chez les jeunes qui va dans le sens d’une transformation sociale plus importante que ce qu’on a vu jusqu’à maintenant et il faut qu’on soit préparés.»

Bien que la proposition de Monique Leroux, présidente du conseil et chef de la direction du Mouvement Desjardins allait davantage dans le sens d’un mentorat que d’un réel échange intergénérationnel, les Jeunes leaders approchés à la fin du Sommet se sont dits satisfaits que leur vision ait été mentionnée lors de la conclusion du Sommet. Ils demandent cependant à voir si cette fameuse proposition sera ou non concrétisée.

*Traduction de la journaliste.