Montréal – S’unir pour une production de bières de qualité, et en quantité, c’est le choix qu’ont fait cinq microbrasseries québécoises en créant Mabrasserie Coop de solidarité brassicole. Installée à Montréal, la coopérative a ouvert ses portes aux clients en novembre. Visites des salles de brassage, salon de dégustation, centre d’interprétation et formations sont au programme pour le public.

L’idée de créer cette coopérative, c’est au propriétaire du Broue Pub Brouhaha qu’on la doit. Marc Bélanger a commencé sa carrière en tant que « gipsy brewer » : un brasseur qui se déplace de brasserie en brasserie pour faire ses propres recettes de bières. C’est un phénomène connu dans le milieu brassicole car tous les brasseurs ne peuvent pas avoir leur propre matériel et un espace suffisamment grand pour produire en quantité. Fort de ses années de brassage dans une dizaine de brasseries, Marc Bélanger s’est vite rendu compte qu’il serait intéressant d’optimiser le matériel en travaillant à plusieurs, et de façon organisée.

«Je voulais partir une brasserie coopérative où plusieurs producteurs pourraient travailler leurs produits au même endroit», explique Marc Bélanger, aujourd’hui directeur général de la coopérative Mabrasserie.

Pour concrétiser son projet, il a donc choisi quatre microbrasseries en plus de la sienne, toutes désireuses de s’agrandir (Isle de Garde, Noire et Blanche, La Succursale, HopArt). Le modèle coopératif allait de soi : Marc Bélanger voulait une entreprise démocratique, où les décisions sont prises par l’ensemble des membres. «Ce qu’on voulait c’était une entreprise qui perdure, et qu’il n’y ait pas de tiraillement entre actionnaires», précise Marc Bélanger. «J’ai décidé de développer un modèle où c’est le travailleur qui est au centre de l’entreprise.»

On parle donc d’une coopérative de solidarité où chaque membre a son droit de vote et où les décisions sont prises selon des intérêts communs. Quatorze membres travailleurs s’activent tous les jours à produire la bière qui sera ensuite vendue par les cinq brasseurs-locataires. Autour de ces travailleurs, gravitent une trentaine de membres de soutien qui ont investi au total plus de 200000 $. En date d’aujourd’hui, c’est un projet qui s’élève à 1,4 million $.

 

Principal obstacle, la méconnaissance du modèle coopératif

La coopérative a été créée officiellement en juin 2013, mais il a fallu plus de deux ans et demi pour que Mabrasserie soit en opération. Démontrer que le projet était solide s’est avéré plus complexe que prévu. L’équipe a beaucoup insisté pour obtenir des réponses des banques, mais aussi pour avoir les autorisations de la ville, ainsi que le permis d’alcool. Le problème, selon Marc Bélanger, c’est la méconnaissance des institutions publiques et privées en ce qui concerne les coopératives.

Comme l’explique Charles Hammel, directeur des opérations de Mabrasserie, le plus difficile a été de trouver les fonds: «Au départ, on pensait qu’une coopérative serait plus facile à financer. Mais les démarches de financement ont pris plus d’un an.» Il a lui aussi l’impression que le modèle coopératif a fait fuir plus d’un investisseur.

 

Des cours pour former la relève

Jusqu’ici, l’équipe a malgré tout remporté son pari. Les cuves tournent à plein régime et les clients sont au rendez-vous. La coopérative serait même victime de son succès car elle n’arrive pas à répondre à la demande. La prochaine étape sera d’investir un peu plus pour augmenter la production.

Le salon de dégustation sera bientôt prêt et les premiers cours de brassage sont proposés aux amateurs. Un partenariat entre Mabrasserie, l’Institut Brassicole du Québec et l’École de Technologie Supérieure devrait permettre de former des brasseurs professionnels en utilisant les locaux de la coopérative comme salle de pratique. Le directeur général de Mabrasserie tenait à développer un volet éducatif par passion pour le brassage. La coopérative et ses partenaires pourraient ainsi dynamiser le quartier Rosemont-La-Petite-Patrie et développer le secteur des microbrasseries au Québec.