L’entrepreneuriat social et solidaire porte en lui le germe d’une économie et d’un projet de société démocratique qui pourrait modifier radicalement le système-marché qui s’impose à l’échelle globale depuis bientôt un demi-siècle.

C’est dans le but d’orienter l’action collective des entreprises sociales et solidaires et d’accélérer la nécessaire transformation vers une économie plus équitable, vouée à la satisfaction des besoins des personnes et non à l’accumulation du capital, que se sont réunis la fin de semaine dernière les participantes et les participants de la conférence Transformer Montréal, qui se tenait les 19 et 20 mars à l’Université Concordia.

« On voulait créer un espace de discussion sur des initiatives concrètes », explique l’un des membres du comité organisateur, Laurent Levesque, coordonnateur général et cofondateur de l’Unité de travail pour l’implantation de logement étudiant (UTILE). Celui qui est aussi président du comité jeunesse du Chantier de l’économie sociale soutient que tôt ou tard « tout le monde se heurte aux limites » financières ou organisationnelles propres aux coopératives ou aux OBNL.

Place à l’initiative locale

Malgré le thème de l’événement, une grande place a été faite à des initiatives ancrées dans d’autres réalités territoriales que celles strictement montréalaises et ce, tant à l’échelle locale qu’internationale.

À titre d’exemple, Martin Zibeau, nouveau responsable des affectations au comité de rédaction du journal Ensemble, est venu parler du demi gaspésien, monnaie alternative destinée à favoriser le développement régional.

Parmi les invités, on comptait également Allen Zimmerman, ancien coordonnateur de la Park Slope Food Coop de Brooklyn, ainsi que la présidente-directrice générale et cofondatrice de la coopérative de photographes Stocksy United, Brianna Wettlaufer. Cette dernière a profité de sa tribune pour promouvoir les cinq clés pour une coop en santé.

Des conseils santé pour les coops

La première règle vise à établir une rémunération équitable. « La plupart des coopératives de travailleurs sont une réaction à l’exploitation », souligne d’ailleurs Brianna Wettlaufer. La deuxième, c’est de placer la barre assez haut pour s’assurer d’offrir un produit ou un service de qualité qui fera la fierté de ses membres. Troisièmement, il faut se servir des outils coopératifs plutôt que de se mettre à leur service. En d’autres mots, adapter les modèles existants pour trouver celui qui convient le mieux aux activités de la coopérative. Ensuite, la coopérative doit favoriser la plus grande transparence possible envers les membres, afin de les inciter à participer à la vie démocratique de leur coopérative. En dernier lieu, elle doit être authentique et assumer pleinement son identité coopérative.

Cette recette simple semble avoir bien fonctionné pour Stocksy. En effet, la coopérative fondée en Colombie-Britannique il y a moins de 5 ans a atteint un chiffre d’affaires de 7 millions de dollars l’an dernier et prévoit verser environ 200 000 $ en ristournes à ses 850 membres répartis sur cinq continents.

Une exploration en profondeur

Au total, environ 350 personnes ont participé à l’événement bilingue de deux jours qui se déclinait sous forme de conférences plénières, de formations pratiques, de présentations de projets, de réflexions et de caucus thématiques.

L’événement était l’occasion « d’explorer la pratique d’une économie démocratique », explique la coanimatrice de la rencontre Miriam Fahmy, ancienne directrice de la recherche et des publications à l’Institut du Nouveau Monde (INM) et chroniqueure au journal Métro.

Indirectement, l’activité faisait suite à la journée pour plus d’impact social, organisée le mois dernier par le Chantier de l’économie sociale.

« Les gens posent des questions vraiment profondes et fondamentales », souligne le coanimateur de la conférence, Dru Oja Jay. Ce coopératiste convaincu a notamment cofondé la Coopérative de journalisme indépendant et la Coop Média, réseau pancanadien de coopératives destiné à assurer une couverture médiatique participative et locale.

L’auteur et activiste estime que certaines des discussions et des réflexions critiques sur l’économie de marché semblent paver la voie au colloque Sortir du capitalisme? prévu le mois prochain. Présentement, Dru Oja Jay travaille sur la campagne Vers des communautés durables, visant à faire de Postes Canada un moteur de développement économique social et solidaire.

L’idée de la conférence visait justement à « réunir les gens qui font partie de cette économie-là » afin de croiser les perspectives et de mettre en valeur le « potentiel de transition » important de l’entrepreneuriat collectif et social, souligne Jessica Cabana, coorganisatrice de Transformer Montréal, cofondatrice de la coopérative Hive Café et du Fond d’initiative pour le développement durable de l’Université Concordia, deux des partenaires de l’événement.